samedi 6 novembre 2010

Ce que les séries m'ont appris (2) : Dr House et les bizarreries médicales

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Après Breaking Bad ou la chimie pour les nuls, place aujourd’hui à la médecine, via quelques uns des cas les plus mémorables rencontrés (et résolus) par le Dr House.

Si les spécialistes – dont je ne fais pas partie - reconnaissent généralement la crédibilité des diagnostics de House, chaque maladie rencontré étant bien réelle et susceptible de provoquer tout ou certain des symptômes décrits, c’est en revanche la fréquence de ces cas qui paraît totalement improbable aux yeux des professionnels ; ajoutez à cela quelques approximations pour les besoins du scénario, une équipe d’ « assistants » extraordinairement polyvalents – multi-spécialistes et biologistes, puisqu’ils effectuent eux-mêmes toutes les analyses -, et un personnage central plus proche du surhomme que du médecin – quarante années d’études intensives ne suffiraient pas à atteindre le niveau de savoir de House -, et vous obtenez une série médicale…étonnamment instructive. Des connaissances pour la plupart parfaitement inutiles dans la vie quotidienne, mais bizarrement réjouissantes.

4.04 : Mangez bio…

Diagnostic : ergotisme

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Irene, esthéticienne funéraire, prise de convulsions après une hallucination d’un genre très particulier – l’un des cadavres dont elle s’occupait l’aurait agressée -, est envahie par des visions de personnes décédées. Parmi elles, sa mère, morte depuis plus de 20 ans, et un mystérieux homme en fauteuil roulant correspondant étrangement au profil de Stark, un patient décédé lors de l’épisode précédent. D’abord convaincu qu’Irene souffre d’une forme précoce de la maladie de Parkinson, maladie à laquelle la mère de la patiente a succombé, House envoie un de ses assistants fouiller sa maison et arrête enfin son diagnostic : Irène souffre d’ergotisme, résultat d’un empoisonnement à l’ergot du seigle, un champignon présent dans le pain de seigle bio – et par conséquent non traité – qu’elle consommait quotidiennement.

L’ergotisme, également connu sous le nom de « mal des ardents » ou de « feu de Saint-Antoine », régressa à partir du 17e siècle, suite aux progrès de la science et aux mesures de surveillance dont le seigle fera peu à peu l’objet. Ce champignon fut néanmoins responsable de nombreuses épidémies, et la dernière vague d’intoxications vraisemblablement attribuée à l’ergotisme fit sept morts en France durant l’été 1951, et causa l’internement en hôpital psychiatrique d’une cinquantaine de personnes. Car outre les convulsions, la gangrène, les paresthésies, les troubles digestifs et autres réjouissances, l’ergotisme était connu pour provoquer des hallucinations semblables à celles déclenchées par le LSD, et des troubles psychiatriques comme la manie ou la psychose. Les malades, qui durant le Moyen-Âge étaient considérés comme victimes de sorcellerie ou possédés par un démon, se rendaient en pèlerinage auprès des reliques de St-Antoine (Isère), pèlerinage dont ils revenaient souvent guéris : en s’éloignant de la source du pain fabriqué à partir du seigle ergoté, le temps que soient consommées les nouvelles récoltes, les pèlerins s’éloignaient sans le savoir des causes de la maladie, attribuant leur guérison « miraculeuse » à St Antoine.

3.02 : Quand la réalité dépasse la (science) fiction

Diagnostic : chimérisme

house2.1285966064.jpgClancy, sept ans, est victime d’hallucinations : persuadé d’être victime d’une expérimentation extraterrestre, il est retrouvé inconscient dans le jardin de ses parents. De fil en aiguille et d’examens en analyses, House et son équipe se rendent à l’évidence : Clancy possède deux génotypes distincts, ce qui fait de lui une chimère.

Anomalie rarissime chez l’être humain, le chimérisme s’applique à un organisme possédant deux ou plusieurs génotypes distincts. Vraisemblablement provoqué chez l’humain par l’administration de médicaments destinés à améliorer la fertilité, le chimérisme apparaîtrait dans le cas exceptionnel où, lors de la formation de fœtus jumeaux, l’un des deux œufs migre vers l’autre : les deux œufs fusionnent et l’on retrouve chez le fœtus deux génotypes différents selon les différentes parties de son corps. Dans l’épisode en question, Clancy est issu d’une fécondation in vitro : après l’implantation de plusieurs embryons dans l’utérus de sa mère, et alors que le petit garçon n’était encore qu’un embryon fécondé à 12 cellules, un second embryon s’y est collé et a fusionné avec le premier.

En mai 2007, le gouvernement britannique a autorisé la création, in vitro et dans le cadre de recherches scientifiques, de chimères d’humain et d’animal. Difficile de ne pas penser à l’excellent film de Vincenzo Natali (réalisateur de Cube), Splice, qui met en scène le fruit de la fusion entre un ADN humain et un ADN animal…

1.01 : La petite bête qui monte…

Diagnostic : cysticercose

house3.1285966200.jpgRebecca Adler, une institutrice de maternelle de 29 ans, a juste le temps d’écrire « Call the nurse » sur le tableau de sa classe avant de s’effondrer, victime d’une crise d’aphasie. D’abord traitée par corticoïdes pour une vascularite (inflammation des parois des vaisseaux sanguins), son état empire brutalement et Rebecca perd la vue. C’est une nouvelle fois suite à la fouille de son domicile que House trouve la solution, la découverte d’un jambon l’ayant mis sur la bonne piste : la cysticercose.

Infection parasitaire du système nerveux central la plus fréquente dans le monde entier, la cysticercose, ou neurocysticercose, est provoquée par les larves du « taenia solium », un ver généralement retrouvé dans le porc. Les œufs pénètrent dans l’estomac, atteignent les intestins, éclosent et migrent vers les muscles, le cœur, les yeux, le cerveau ou la moelle épinière, provoquant selon la région infestée cécité, troubles du rythme cardiaque, céphalées, crises d’épilepsie, œdème cérébral ou paralysie. Joli programme donc, qui donnera probablement envie à la patiente de House de rallier la cause végétarienne…

5.03 : Méfiez-vous du bézoard

Diagnostic : ingestion massive de drogue due à un bézoard médicamenteux (ou pharmacobézoard)

house4.1285966249.jpgBrandon, artiste peintre, souffre d’agnosie visuelle, un trouble cognitif venant perturber la capacité de reconnaissance visuelle, et pouvant se porter sur les couleurs, les visages, les formes ou les mots écrits. Incapable de réaliser un portrait fidèle à la réalité, Brandon finit par révéler un fait important : pour parvenir à joindre les deux bouts et compenser les maigres revenus tirés de ses toiles, il participe très fréquemment à des essais cliniques. Bien que son organisme ait été désintoxiqué à deux reprises de tous les médicaments expérimentaux ingurgités, l’état de Brandon s’aggrave. Jusqu’à ce que House, une fois de plus, vise juste et découvre que sa maladie est en réalité due à la formation d’un bézoard, ou plus exactement d’un pharmacobézoard, amas de médicaments qui stagnait depuis plusieurs mois dans son estomac.

Petite typologie des bézoards, ces corps étrangers stagnant dans les estomacs humains ou animaux, histoire de se mettre en bouche : on trouve d’une part des phytobézoards, amas constitués de débris végétaux, des trichobézoards, formés de cheveux, mais également, comme l’illustre le patient de House, des pharmacobézoards, constitués de médicaments ou d’enveloppes de médicaments. Pour la petite histoire, les bézoards ont longtemps été considérés comme très précieux et dotés de propriétés magiques curatives. Rapportés en Europe depuis les Indes puis l’Amérique du Sud, les bézoards étaient très convoités pour leurs supposées propriétés médicinales : remèdes contre la mélancolie, la peste, le venin de serpent, les bézoards étaient l’apanage de puissantes familles européennes. On en découvrit ainsi plusieurs chez les Habsbourg, et une lettre du Cardinal de Richelieu au général des Chartreux en fait également mention : « Je vous remercie également de votre bon bézoard qui m’est venu fort à propos pour me tirer d’une assez fâcheuse maladie ». Les goûts et les dégoûts sont aussi affaire de mode…

4.11 : Des pieds à la tête

Diagnostic : embolie graisseuse

house5.1285966300.jpgSean, ouvrier de base polaire, se fait sectionner l’artère fémorale par une pale d’éolienne. Cate Milton, le médecin psychiatre de la station, le prend en charge, avant de se retrouver elle-même en situation d’urgence : prise de violents vomissements et de maux de ventre, loin de tout et sans aucune possibilité de rapatriement au vu des conditions météo, Cate doit communiquer par vidéo avec House et son équipe. Refusant de piocher dans le maigre stock de médicaments de la base, Cate, chez qui House diagnostique d’abord un calcul rénal d’origine infectieuse, se retrouve brutalement atteinte d’un collapsus pulmonaire (affaissement des poumons). La thèse d’une tumeur étant écartée – Cate devra procéder elle-même à une biopsie -, House s’oriente vers une maladie auto-immune. Après moult péripéties – l’ouvrier Sean ira, à la demande de House, jusqu’à boire l’urine de Cate désormais dans le coma, l’absence de goût de son urine conduisant House, ne me demandez pas comment, au diagnostic d’hypertension intra-crânienne -, le diagnostic final tombe : embolie graisseuse provoquée par une fracture.

L’embolie graisseuse correspond à l’obstruction de petits vaisseaux par des gouttelettes graisseuses transportées par le sang. Contenues dans la moelle osseuse, ces gouttelettes peuvent parfois être libérées dans l’organisme suite à une fracture des os longs. Reste à savoir si l’orteil, fracturé chez la patiente de House, peut réellement être considéré comme un os long…

4.14 : Le gin tonic, à consommer avec modération

Diagnostic : allergie à la quinine

house6.1285966348.jpgPersuadé que son idole, l’acteur vedette du soap dont il ne rate pas un seul épisode, souffre d’une tumeur au cerveau, House le kidnappe et le retient avec une injection de propofol. Engourdissement du pied, crise cardiaque, fièvre puis coma, l’état du patient empire sans que House ne parvienne à comprendre pourquoi. Pensant à une allergie, sans toutefois en déterminer l’origine, il le place sous corticothérapie ; c’est finalement en regardant à nouveau les épisodes du soap qu’il en trouve la cause : l’acteur était allergique à la quinine contenue dans le gin tonic offert par ses fans.

La quinine, alcaloïde naturel connu pour ses vertus antipaludiques, est présente dans les boissons que l’on nomme « eaux toniques », à qui elle donne leur amertume. Très appréciées des Britanniques qui voyageaient en Asie et en Inde sous l’Empire, qui avaient compris que la quinine qu’elles contenaient les protégeait en partie du paludisme, les eaux toniques furent peu à peu consommées avec du gin pour en effacer l’amertume, donnant naissance au fameux gin tonic. Toujours produites aujourd’hui – le Schweppes et autres sodas portant la mention « tonic » sont des eaux toniques -, elles contiennent beaucoup moins de quinine et peuvent êtres bues pures. L’OMS estime qu’elles peuvent contenir jusqu’à 100 mg/L de quinine sans danger pour la santé… à l’exception de certaines personnes présentant, comme l’idole de House, une hypersensibilité à cette substance.

God Save My Screen vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouveau billet sur le thème « Ce que les séries m’ont appris ». N’hésitez pas à me faire part de vos suggestions…

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