samedi 6 novembre 2010

Breaking Bad : bilan de la saison 1

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Inutile de préciser qu’après un tel pilote, on attendait beaucoup de cette première saison de Breaking Bad, sérieusement écourtée par la grève des scénaristes de 2007. Toutefois, boucler la saison en seulement sept épisodes fut peut-être un mal nécessaire : Vince Gilligan, créateur de la série et ancien producteur, scénariste et réalisateur d’X-Files, redoutait en effet que le scénario souffre de son propre élan, progressant trop rapidement vers une issue qui ne pourra qu’être tragique. Pas de happy-end en vue pour Walter White et sa famille, pas de guérison inexpliquée ni d’intervention divine : le prof de chimie devenu fabriquant de méthamphétamine ne se relèvera pas de son cancer des poumons.

Mais Walt n’est pas encore à terre, et c’est bien à sa chute que nous assistons, ou du moins à une dégringolade du masque : plus de quarante années d’hibernation, quarante années passées à polir la couche de vernis plaquée sur sa vie, son travail, sa famille et ses relations, volent en éclat à l’annonce du verdict : cancer des poumons. Inopérable. Walter l’effacé, le discipliné, décide ainsi un beau matin de piétiner l’obéissance à grand coup de savate, envoyant valser pour le meilleur et (surtout) le pire toutes les règles et tous les cadres qui structuraient son existence. Car c’est bien de transgression qu’il s’agit, dans ce refus nouveau et obstiné de toute forme de loi, dans le basculement brutal de ce drôle de type vers un territoire non balisé. Faire le choix de poser la caravane, lieu de fabrication de la drogue et concentré de la violation des interdits, au beau milieu du désert ne relève pas seulement de considérations logistiques et pragmatiques. Rien ne vient régir l’ordre des choses dans le désert, si ce n’est la loi de la nature.

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Un désert qui, par ailleurs, répond à l’exigence visuelle et esthétique de la série : les sols rouges, les ciels filmés en contre-plongée, les plans shootés au grand angle, le soin apporté à la composition et l’audace de certains cadrages constituent désormais, après seulement sept épisodes, la signature graphique de Breaking Bad. L’écriture est à la hauteur de l’image, ne se résignant à aucune facilité et y gagnant considérablement en efficacité : le recours aux flash forwards, qui se systématisera dans la deuxième saison, est dosé et calibré au millimètre près. Quel que soit l’angle choisi, il y a toujours prise de position, et il est souvent difficile d’anticiper la scène suivante tant Breaking Bad nous embarque hors des sentiers battus, dans cette sorte de no rule’s land aussi effrayant que jouissif.

De scènes d’actions survoltées en longs silences pesants - de ceux qui nous feraient quitter la pièce si n’y avait pas d’écran pour nous en protéger -, Breaking Bad trace sa route et invente son propre langage ; horreur, drame intimiste, western, comédie ou burlesque, tous les registres sont exploités pour servir le même propos : qu’advient-il de la vie lorsque l’on prend conscience de sa mort ? De la maladie, omniprésente, rien ne nous est épargné : Walter tousse, crache et vomit. Il perd ses cheveux, maigrit et traîne son angoisse et sa fatigue de chimiothérapie en radiothérapie. Le corps est un élément central de Breaking Bad : celui de Walter, bien sûr, mais aussi celui de sa femme Skyler, enceinte, et de son fils Walter Jr, handicapé.

Rien ici n’est moins rêche, rien n’est moins crade et moins cru que dans une certaine réalité : Breaking Bad est une série qui donne à voir, avec toute la complexité et les nuances que cela implique.

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