samedi 6 novembre 2010

Les séries médicales vues par Martin Winckler (conférence du 18 juin 2010)

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Dans le cadre des colloques organisées à l’Institut d’Etudes Anglophones (Université Paris-Diderot) sur les séries télévisées américaines “Contemporary American Television Series: Between Fiction, Fact and “The Real”, j’ai eu le plaisir d’assister à la conférence donnée le vendredi 18 juin par Martin Winckler, sur le thème de l‘éthique et de la pédagogie dans les séries américaines.

Martin Winckler ou l’homme aux multiples vies, tant son parcours est varié : d’abord médecin, puis romancier (La Vacation, La Maladie de Sachs, Les Trois Médecins, Le Choeur des Femmes) et essayiste (Les Droits du Patient, Contraceptions Mode d’emploi), Winckler est également l’auteur de nombreux ouvrages sur les séries télé (Les Miroirs de la vie, Les Miroirs obscurs, L’année des Séries 2008 en collaboration avec Marjolaine Boutet), et fait figure de pionnier dans le domaine de la critique de séries en France, au même titre qu’Alain Carrazé, avec qui il a coécrit son premier ouvrage sur le sujet en 1993 : Mission : impossible (Neo-Huitième Art).

Organisée par Ariane Hudelet et Sophie Vasset, la conférence était plus particulièrement axée sur les séries médicales, et leurs apports et questionnements en matière d’éthique et de pédagogie.

C’est par la notion du temps que Martin Winckler introduit cette conférence, notion très importante et indissociable des séries, seules fictions dont les acteurs et les personnages vieillissent en même temps que les spectateurs. Ainsi, dans Les Simpson, tous les épisodes font référence à des objets ou des événements culturels ancrés dans le temps ; dans Six Feet Under, qui parle du temps en permanence, cette notion est au coeur même du propos : le temps qui s’est arrêté pour ceux qui meurent, le temps qui passe pour ceux qui vivent. Les séries parlent du temps, se construisent autour et vivent avec, parvenant même parfois à le traverser : c’est le cas du pilote de la série western Le Virginien, créée par Charles Marquis d’après le roman éponyme d’Owen Wister, et diffusée entre 1962 et 1971 sur NBC, qui à travers l’histoire d’un lynchage abordait déjà avec une puissance narrative incroyable la question du faux témoignage et de l’erreur judiciaire.

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Selon Martin Winckler, les séries américaines sont les héritières d’un certain cinéma européen, celui de Chaplin, Hitchcock, Renoir, René Clair, Fritz Lang et même John Ford, qui n’a quitté l’Irlande pour les Etats-Unis qu’à l’âge de 15 ans. Les séries, précise Winckler, sont aujourd’hui écrites par la troisième génération de scénaristes, télévision et cinéma confondus ; la première génération est marquée par des personnages comme Rod Serling, créateur de La Quatrième Dimension (The Twilight Zone), une série sans cesse traversée par les questions d’identité et de dilemme moral entre le bien et le mal ;quant à la deuxième génération de scénaristes, elle a grandi avec les films d’avant 1950 et s’est inspirée de la première génération. Selon Winckler, Steven Spielberg, George Lucas ou encore Joe Dante font partie de cette seconde génération.

La conférence se recentre ensuite sur la question de l’éthique dans les séries, des séries dont la créativité et l’intelligence ne date pas d’il y a dix ans. Ainsi, The Defenders (Les Accusés), diffusée entre 1961 et 1965 sur CBS, et qui mettait en scène un groupe d’avocats travaillant sur des cas judiciaires sensibles, fut la première série à porter un discours éthique. Réunissant de nombreuses stars du petit et du grand écran, The Defenders abordait déjà, dans les années 60, des sujets comme l’avortement, l’euthanasie ou la peine de mort.

Martin Winckler se dit particulièrement intéressé par deux grands sous-genres :

- les séries réalistes, parmi lesquelles il cite Brothers and Sisters et surtout Tout le monde aime Raymond (Everybody Loves Raymond), sitcom créée par Philip Rosenthal et diffusée sur CBS entre 1996 et 2005. Véritable satire des relations familiales, la série met en scène Raymond Barone, journaliste sportif italo-américain, sa femme Debra et ses enfants (un fille et deux garçons jumeaux), mais aussi ses parents et son frère, pour le moins envahissants… Raymond a un problème : il ne sait pas dire non. Malheureusement pour lui, sa mère est une “perverse narcissique détestable”, dixit Martin Winckler, qui n’y va pas par quatre chemins : “Le seul moyen d’échapper à l’influence des pervers narcissiques, c’est de les fuir ou de les tuer”. Il suffit de regarder Les Soprano pour s’en convaincre : Livia, la mère de Tony, en est également une belle illustration.

- les séries professionnelles, les plus connues étant les séries médicales, les séries policières et les séries judiciaires.

Les Soprano, selon Martin Winckler, est à la fois une série réaliste et une série professionnelle. A la base, le projet de David Chase, le créateur de la série, était de raconter les relations d’un scénariste avec sa mère. Mais décidant de suivre les conseils qui lui avaient été donnés, Chase transforma le scénariste en mafioso, permettant à la série d’étudier deux familles en même temps : la famille “ordinaire” de Tony, et sa famille mafieuse. C’est ainsi que David Chase, parti d’une idée relativement modeste, a finalement donné naissance à une véritable icône culturelle.

Les séries médicales, elles aussi, partent du particulier pour évoquer le général : c’est en effet à travers le microcosme que constitue l’hôpital qu’elles abordent les grandes problématiques sociales. C’est notamment le cas d’Urgences, dans laquelle le microcosme parle sans cesse du macrocosme.

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Dr Kildare (Le Jeune Docteur Kildare), diffusée entre 1961 et 1966 sur NBC, est une des premières séries médicales. Adaptée d’une série de films du début des années 40, elle met en scène le Dr James Kildare, jeune interne en médecine, et son apprentissage aux côtés de son supérieur, le Dr Léonard Gillepsie (Raymond Massey). Le Dr Kildare, interprété par le beau Richard Chamberlain, incarnait à l’époque la figure du gendre idéal. Le duo formé avec le Dr Gillepsie posait déjà les bases de ce que les séries médicales n’auront de cesse d’illustrer : le médecin ne cesse jamais d’apprendre. Ainsi, tout médecin possède un mentor, ou le deviendra lui-même.

A la même époque, ABC diffusait une autre série médicale, Ben Casey (1961-1966) : Ben Casey, interprété par Vince Edwards, jeune chirurgien au sein du County General Hospital aux côtés de son mentor, le Dr David Zorba (Sam Jaffe), n’a plus rien du gendre idéal : irrascible, agressif, le Dr Casey passe son temps à engueuler tout ce qui l’entoure ; il y a déjà du House dans cette série médicale des années 60, qui démontre qu’à la télévision (comme ailleurs) si le médecin est un personnage important, il n’est pas forcément agréable.

Martin Winckler fait ensuite un petit apparté sur la position et le traitement des séries en France. Pourquoi un tel écart entre les séries américaines et les séries françaises ? Tout d’abord parce que, pendant très longtemps, la télévision française s’est limitée à trois chaînes d’Etat, empêchant de fait toute concurrence et toute émulation entre chaînes publiques et chaînes privées. Ensuite parce que dans notre pays, règne l’idée que la télévision n’est pas digne d’intérêt, et que les programmes ne sont regardés que par des spectateurs vaguement idiots. Les chaînes françaises ont ainsi pris l’habitude de malmener les séries qu’elles achètent, au mépris de l’oeuvre elle-même et de son public ; les épisodes sont diffusés dans le plus complet désordre - avec l’idée sous-jacente que l’histoire n’a que peu d’importance et que le spectateur ne se rendra de toute façon compte de rien -, et seuls sont retenus les épisodes plus accrocheurs, toutefois volontiers censurés à grand renfort de coupes et de dialogues dénaturés par le doublage. Les exemples suivants, s’ils prêtent parfois à sourire, sont assez sidérants et tout à fait révélateurs du peu de considération des chaînes françaises envers les séries :

- Starsky et Hutch est une série totalement différente en version originale, une série noire dans laquelle l’homosexualité latente des deux personnages est tout le temps mentionnée dans les dialogues.

- Dans la première saison de Dr House, un patient souffrant de colopathie se présente aux consulations publiques. La prescription de House, dans la version originale, est très claire : deux cigarettes par jour, pour apaiser l’irritation des intestins. Prescription qui n’était toutefois pas du goût de TF1, puisqu’elle a été transformée au doublage par “Mangez deux bols de riz par jour”

- Dans Urgences, le personnage d’Elizabeth Corday reçoit un jour une préado de 12 ans ; après avoir découvert qu’elle portait des traces de coups, avait pris de l’ecstasy et souffrait d’une IST, Corday en conclue qu’elle a été battue, droguée et violée, et s’empresse de prévenir ses parents (violant au passage la confidentialité de sa patiente, même si celle-ci est mineure). Dans la version française, la jeune fille, apprenant que ses parents ont été mis au courant, s’offusque et dit à Elizabeth Corday : “Mais pourquoi les avez-vous prévenus ?!!”. Et l’épisode s’arrête là. Or, dans la version originale, le propos de la jeune fille est le suivant : “Mais pourquoi les avez-vous prévenus ?!! J’ai pris de la drogue volontairement, j’ai eu des rapports sexuels consentants, et j’aime quand ça cogne.” (en anglais : “I like it raugh.”) Propos probablement trop dérangeant pour TF1, qui préfère vider l’épisode de son sens et de son intérêt.

- Buffy contre les vampires est en version originale une série intelligente, parfois très noire, qui porte constamment en elle la question de la sexualité chez les adolescents. L’adaptation française en a fait une tout autre série, creuse et superficielle.

- Dallas, qui selon Winckler est une série extraordinaire sur le plan du contenu, a été lissée et dénaturée par la traduction française. Le postulat de départ de la série, revendiqué par les scénaristes, n’est autre que la transposition au Texas de Romeo et Juliette : deux familles s’affrontent (les Ewing et les Barnes), avec dans chacune d’elle un homme (Bobby) et une femme (Pamela) qui s’aiment et tentent de s’extraire de cette guerre des clans. Dallas, écrite au moment du premier choc pétrolier, est également une série sur le capitalisme, très critique et satirique, ainsi que sur la manipulation et les enjeux de pouvoir dans la famille. La traduction française a totalement écrasé tout cet aspect critique.

Fin de l’apparté, et retour aux séries médicales, qui sont selon Winckler toujours aux prises avec le réel immédiat, car portant en leur centre la question du progrès. Selon lui, trois éléments principaux ont évolué avec le temps dans les séries médicales : leur narration, la nature des problèmes abordés et la représentation des médecins.

Winckler cite ensuite la série Docteur Marcus Welby (Marcus Welby, M.D), créée par David Victor et diffusée entre 1969 et 1976 sur ABC. La série, centrée sur un cabinet médical tenu par deux médecins très différents, les docteurs Marcus Welbey et Steven Kiley, oppose deux conceptions de la médecine : d’un côté, incarnée par le Dr Welby, une pratique de médecin de famille, à l’écoute et respectueux du choix des patients ; de l’autre, représentée par le Dr Kiley, une médecine technicienne, de pointe, invasive, qui se passionne pour des cas mais fait totalement l’impasse sur l’humain. C’est également la position de Dr House aujourd’hui.

Tout l’intérêt des séries médicales, souligne Winckler, vient du fait qu’elles ne sont pas écrites uniquement par des médecins, mais par des équipes “mixtes”, composées à la fois de scénaristes et de médecins. C’est de cette mixité qu’elles tirent leur richesse, car elles naissent de la rencontre, de la collision parfois, entre le vécu médical des scénaristes “lambda” et l’expérience professionnelle des collaborateurs médecins.

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M.A.S.H, selon Winckler, est malgré les apparences une série médicale, ou du moins une série hybride, qui parle à la fois de la guerre et du soin (tout comme Urgences est d’après lui une série médicale filmée comme une comédie musicale). Créée par Larry Gelbart d’après le film éponyme de Robert Altman, et diffusée entre 1972 et 1983 sur CBS, M.A.S.H raconte la vie d’une unité de la M.A.S.H 4077th (Mobile Army Surgical Hospital) en pleine guerre de Corée, et aborde à travers le scénario la question des séquelles symboliques de la guerre du Vietnam (qui vient de s’achever lorsque débute la diffusion de la série) dans la société américaine.

St Elsewhere (Hôpital St Elsewhere en français), dans laquelle on retrouve le producteur et scénariste Tom Fontana (Homicide, Oz), fut diffusée entre 1982 et 1988 sur NBC, et qualifiée par ses créateurs d’“Hill Street Blues à l’hôpital”. Ecrite par des gens de théâtre, St Elswhere se démarque des précédentes séries médicales par son aspect sombre et son propos social. Les scénaristes introduisent dans cette série quelque chose de totalement nouveau : aucun personnage n’est à l’abri d’une fin brutale et tragique, pas même les personnages principaux ; un parti pris qui installe de fait une dynamique très particulière du récit. Lorsqu’au cours d’un épisode, l’un des personnages médecins contracte le virus du sida alors qu’il est hétérosexuel, c’est une petite révolution : jamais encore à la télévision américaine il n’avait été dit que le sida ne touchait pas que les homosexuels. Alors que l’on nous a si longtemps présenté les fictions américaines- et notamment les séries - comme pudibondes, tout ici concourt à démanteler cette idée reçue. Car aux Etats-Unis, ce sont bien les fictions qui introduisent l’évolution des esprits et des moeurs, bien avant que ces idées nouvelles ne soient relayées par la presse et les élites. St Elsewhere introduit une scénarisation des questions éthiques : loin de se contenter de raconter de bonnes histoires, elle privilégie les histoires traitant de questions sociales.

Martin Winckler fait ensuite un petit détour par Law and Order (New York District / New York Police Judiciaire), diffusée depuis 1990 sur NBC, qui vient juste d’annoncer son interruption. Créée par Dick Wolf, Law and Order est une série très importante sur le plan de l’éthique, et a eu de nombreuses répercussions sur les séries médicales. Tous les épisodes, divisés en deux parties - la découverte du crime, suivie du procès - parlent d’éthique, de morale, de justice, de rapports de force. C’est également, selon Winckler, une des séries les plus critiques de l’histoire de la télévision sur la société américaine : dans un épisode, le procureur porte plainte contre Dick Cheney pour avoir autorisé la torture en Irak. A l’heure actuelle, une telle audace dans une série française est tout simplement impensable.

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C’est dans cet état d’esprit qu’a été conçue Urgences (E.R), série médicale réaliste qui emprunte beaucoup à Hill Street Blues et à Law and Order, et ne cesse d’aborder les problèmes de société et les difficultés du système de santé aux Etats-Unis. Adaptée d’un roman de Michael Crichton, Five Patients, Urgences était au début pressentie pour devenir un film, réalisé par Steven Spielberg. Si la série s’inscrit à ce point dans la réalité, c’est probablement aussi en raison de son processus d’écriture : les scénaristes d’Urgences - trois d’entre eux étaient médecins - demandèrent en effet à tous les services d’urgences des Etats-Unis de leur faire parvenir leurs histoires les plus marquantes, leurs “faits divers” quotidiens. Urgences fut pendant longtemps la série la plus regardée au monde (remplacée par Dr House en 2009 et Les Experts en 2010).

Initialement prévue pour un lancement le même soir et à la même heure qu’Urgences, Chicago Hope, autre série médicale se déroulant dans un hôpital de Chicago, fut à l’orgine d’un bras de fer entre CBS et NBC, qui décidèrent finalement de décaler la date de diffusion des pilotes (18 septembre 1994 pour Chicago Hope et 19 septembre pour Urgences). Si Urgences connut dès le premier soir le succès que l’on sait, Chicago Hope, créée par David E. Kelley (Ally McBeal, The Practice, mais aussi Picket Fences, excellente série qui abordait sans cesse les questions d’éthique), fut toutefois diffusée pendant six saisons. Très différente d’Urgences, Chicago Hope n’était pas traitée sous un angle réaliste, mais émotionnel.

Lancée en 2000 par les futurs créateurs de Dr House, Gideon’s crossing mettait en scène le très bon, très humain et très gentil Dr Ben Gideon, oncologue réputé dirigeant le service de cancérologie d’un hôpital universitaire de Chicago, sur fond d’enquêtes médicales. Il est amusant de constater que les créateurs de cette série, qui n’a connu qu’une saison en raison d’un personnage principal trop lisse, ont su tirer les enseignements de cette leçon et abouti au personnage de Gregory House…

Martin Winckler passe ensuite rapidement sur Scrubs, qui malgré son statut de comédie évoque très bien dans ses trois ou quatre premières saisons les questions d’éthique dans les études de médecine, puis sur Grey’s Anatomy, dont l’intérêt sur le plan médical s’arrête selon lui au bout de la troisième saison, la série se centrant ensuite davantage sur les enjeux mélodramatiques.

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C’est sur Dr House que s’achève cette conférence, série créée par David Shore et diffusée depuis 2004 sur la Fox. Selon Martin Winckler, le fondement même de Dr House est la question suivante : qu’est-ce qu’un médecin ? En ceci, House n’est pas une série réaliste comme l’était Urgences, mais une série symbolique. On oublie trop souvent que Gregory House n’est pas la seule figure de médecin dans la série, mais qu’il est entouré par autant de médecins que de conceptions différentes de la médecine : si House est le diagnosticien, Cuddy représente la loi, le règlement, Chase la prudence, Wilson la morale, Cameron l’empathie et Foreman la logique scientifique ; tous incarnent des conceptions et des pratiques différentes de la médecine, qui se heurtent aussi souvent qu’elles se complètent. Là où Urgences parlait de la médecine, House parle davantage des médecins, et de la confrontation entre le médecin et son patient. “Tout le monde ment”, ne cesse de répéter House : derrière ce constat se cache l’idée, non pas que tous les patients sont des menteurs, mais que tout le monde a de bonnes raisons de ne pas dire la vérité ; car au fond, c’est toujours le patient, directement ou indirectement, qui finit par permettre de rétablir la vérité, et jamais un examen complémentaire. House ne parle que d’éthique.

Toutes ces séries médicales, conclut Martin Winckler, sont donc extrêmement riches sur le plan de l’éthique médicale et de la pédagogie des futurs soignants, mais également et plus largement, sur la question de l’éthique dans l’ensemble de la société et de la pédagogie du citoyen lambda.

Merci à Martin Winckler, donc, ainsi qu’à Ariane Hudelet et Sophie Vasset pour avoir rendu cette conférence possible.

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