samedi 6 novembre 2010

Séries d'élite, culture populaire : le cas HBO (journées d'études du 7 et 8 juin 2010)

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Il semble que l’université française soit enfin prête à s’ouvrir à la culture populaire, et notamment aux séries télévisées : c’est du moins ce que démontrent ces deux journées d’études organisées par l’HPCP-Sciences Po Paris et l’Université de Picardie-Jules Verne. Derrière ces institutions, trois chercheuses : Elodie Nowinski (HPCP, Centre d’Histoire de Sciences Po), Sandra Laugier (CURAPP, Centre Universitaire de Recherches sur l’Action Publique et le Politique) et Marjolaine Boutet (HPCP, Université de Picardie Jules Verne et auteur de “Les Séries télé pour les Nuls“), à qui je dois mon invitation à ces journées d’études. Le groupe de recherche interdisciplinaire HPCP, Histoire et Pratiques de la Culture Populaire - qui par ailleurs est présent sur Facebook à cette adresse - s’inscrit dans le courant anglo-saxon des “cultural studies” et s’intéresse à la mode, à la télévision, au rock, à la bande dessinée, aux jeux vidéos, en bref à tout ce qui fait la culture populaire d’aujourd’hui. Le but ? Créer un réseau de chercheurs en y associant ceux qui font la culture populaire, “rassembler toutes les personnes qui s’intéressent à la culture populaire, d’un point de vue universitaire, journalistique ou professionnel“, pour qu’enfin cesse en France ce dédain d’une certaine élite envers une certaine culture.

Les Soprano : série d’élite ou série populaire ?” : telle était la question posée en cette première journée d’étude, organisée autour de Gary R. Edgerton, Professor and Chair of the Communication and Theatre Arts Department (Old Dominion University, Norfolk, Virginia), et auteur de nombreux ouvrages sur la télévision américaine (”The Columbia History of American Television“, “The essential HBO Reader “, etc.). Autour de lui, Vincent Colonna (auteur de “L’Art des Séries Télé, ou comment surpasser les Américains” et consultant pour la télévision française), Florent Loulendo (co-auteur de “Les Soprano : portrait d’une Amérique désenchantée“) et Marjolaine Boutet.

hbo.1275945899.jpgGary R. Edgerton s’est d’abord attaché à retracer brièvement l’histoire de la télévision américaine, délimitant quatre grandes étapes dans le développement de ce média : une ère “préhistorique” qu’il définit comme “locale”, avant 1948 ; une ère du “réseau”, entre 1948 et 1975 ; une ère du câble, de 1976 à 1994 ; et enfin l’ère actuelle, celle qu’il nomme “ère numérique”, entamée en 1995. Les pratiques de consommation de la télévision ont ainsi considérablement évolué depuis son apparition, devenant de plus en plus individuelles, interactives et mobiles (chaque foyer possédant généralement plusieurs postes de télévision, et celle-ci pouvant désormais être regardée sur les ordinateurs et les téléphones portables). De média local, elle est donc devenue internationale. Gary R. Edgerton nous donne également au passage quelques données indispensables pour comprendre la place qu’occupe ce média aux Etats-Unis : au sein d’un foyer américain, la télévision est allumée en moyenne 8h14 par jour, et les Américains déclarent la regarder quotidiennement durant 4h37. Dès lors, on comprend mieux la phrase de Gary R. Edgerton : “Quiconque ne regarde pas la télévision ne peut pas comprendre la culture américaine“… A noter également qu’un Américain passe en moyenne 11h06 par jour à “consommer des médias” : plus de temps qu’il n’en passe à dormir ou, à priori, à travailler.

C’est ensuite sur les caractéristiques de la chaîne HBO que l’intervention se recentre, chaîne la plus rentable de l’histoire de la télévision, avec un milliard de dollars de bénéfice par an entre 2004 et 2007. Les Soprano ont largement contribué à son succès : ainsi, depuis la diffusion du premier épisode de la série en 1999, HBO a vu le nombre de ses abonnés - 29 millions aujourd’hui - augmenter de 50 % ; elle est désormais implantée dans 70 pays et compte 75 millions d’abonnés dans le monde entier.

soprano.1275945910.jpgCette journée d’étude s’achèvera sur une discussion autour des Soprano et de Mad Men : Matthew Weiner, créateur de Mad Men, ayant également été scénariste sur Les Soprano, il était difficile de ne pas trouver de points de comparaison entre les deux séries. Comme Tony Soprano, Don Draper est un personnage ambivalent, capable du pire et pourtant terriblement attachant : aux Etats-Unis, il a même été élu personnage le plus populaire de l’année 2009, Barack Obama ne décrochant que la troisième position… Comme l’a souligné très justement une des personnes présentes à cette table ronde, Mad Men et Les Soprano reposent toutes deux sur une certaine nostalgie, le mythe d’un âge d’or aujourd’hui révolu ; il est alors très intéressant de regarder l’une à la lumière de l’autre, Mad Men illustrant le rêve américain encore intact et Les Soprano s’attachant à montrer ce qu’il en reste dans les années 2000.

Une première journée très intéressante, donc, qui démontre une fois de plus qu’il n’y a plus à rougir d’être amateur de séries télé

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