samedi 6 novembre 2010

Breaking Bad : bilan de la saison 2

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Cet article évoque des éléments de la saison 1 et de la saison 2.

Après le tournant amorcé par “Peekaboo” (2.06) et le glissement progressif de cette deuxième saison vers une tonalité plus amère et plus grave, Breaking Bad quitte pour de bon la piste d’une transgression innocemment excitante : il ne s’agit plus d’assister à la libération d’un homme jusqu’ici totalement replié sur lui-même, mais à son naufrage. De la figure bonhomme et joviale du Walter White d’avant, ne subsistent que les sourires figés destinés à sa femme et à son fils. Sourires qui ne parviennent plus à convaincre, tant le père et mari modèle a accumulé de mensonges et de trahisons en si peu de temps. Lui-même ne semble plus croire à la motivation matérielle qui l’avait au départ poussé à se tranformer en baron de la drogue, et l’annonce de sa rémission suscite en filigrane la question de l’arrêt de ses activités : si le danger et la mort sont écartés, s’il n’y a plus de traitement à payer, comment justifier alors la poursuite du trafic ?

Les flashforwards disséminés au début de quatre épisodes de la deuxième saison faisaient craindre le pire pour Walt et sa famille : une peluche rose - seul élément coloré dans le noir et blanc des séquences, en hommage au petit manteau rouge de La Liste de Schindler - flottant au milieu de la piscine, des enquêteurs de la police scientifique relevant méticuleusement les pièces à conviction - parmi lesquelles une paire de lunettes identique à celle de Walt -, et deux housses mortuaires au pied de la voiture, tout semblait déjà en place pour une fin tragique. A une exception près : tout vise, dans le travail d’écriture de Breaking Bad, à nous emmener exactement là où nous ne pensions pas aller. Les auteurs, eux, ne laissent en revanche rien au hasard : que ces flashforwards mènent finalement au crash de deux avions au-dessus d’Albuquerque, et tout particulièrement au-dessus de la maison de Walt, pourrait passer dans n’importe quelle autre série pour une facilité scénaristique à la limite du foutage de gueule. Que les titres de chacun des quatre épisodes - Seven Thirty-Seven (2.01), Down (2.04), Over (2.10) et ABQ (2.13) - contenant ces flashforwards forment au final la phrase : “737 Down Over Albuquerque” - comprendre : “un Boeing 737 s’écrase sur Albuquerque” -, comme l’ont relevé les plus observateurs sur certains forums américains, illustre en revanche tout le génie des scénaristes de Breaking Bad. Trouver le juste équilibre entre répétition et effet de suprise, entre fausses pistes et vraies attentes, pour dérouter le public sans lui donner le sentiment d’être trahi.

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C’est le même principe qui est à l’oeuvre dans le parallèle entre la position latérale du nourrisson de Walter, “au cas où elle vomirait”, et celle dans laquelle Jane place Jesse après une orgie d’héroïne ; la même position dans laquelle Walt ne la mettra pas, refusant ainsi de sauver la fille d’un autre. Une scène dont on aurait presque préféré se passer, tant le choix de Walt est insoutenable : sauver la copine de Jesse, celle qu’il considère comme une menace pour ce (malgré les apparences) “presque fils”, ou la regarder s’étouffer sans lever le petit doigt : ces quelques secondes de flottement, traversées d’un côté et de l’autre de l’écran par le doute, l’angoisse, la culpabilité, la lâcheté, l’incrédulité et l’acceptation, conduisent finalement au même geste, main plaquée sur la bouche, chez Walt et chez le spectateur. Ce choix qui, nous en étions pourtant certains, ne pouvait nous inspirer que du dégoût pour le personnage, nous laisse finalement dans une drôle d’indécision ; de la même manière que, lorsque Walt se retrouve sommé de choisir entre la naissance de sa fille et la conclusion d’un énorme deal, quelque chose nous pousse contre toute attente à préférer la seconde option.

“Pekaboo” avait également donné la mesure de l’évolution respective de Walt et Jesse : alors que Walt découvre seulement le plaisir de la transgression, Jesse fait tout ce qu’il peut pour rentrer dans le “droit chemin”. Après la mort de Combo et surtout celle de Jane, après avoir sombré dans la dépression et longuement réfléchi en cure de désintox, Jesse semble avoir intégré le premier pas vers le changement, si résigné qu’il soit : s’accepter tel que l’on est. Une acceptation qui semble inaccessible à Walter, toujours en pleine découverte de lui-même et peinant à prendre conscience des conséquences de ses actes.

Une deuxième saison toujours aussi explosive et subversive, fidèle au principe scénaristique énoncé par Vince Gilligan lui-même : “Go big or go home”.

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