samedi 6 novembre 2010

In Treatment : la thérapie-réalité

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Au commencement, il y eut une phrase : « Il n’y a vraiment rien à la télé ». C’est le constat - visiblement universel et si souvent répété – que font un soir d’ennui quelques copains israéliens. Parmi eux se trouve Hagai Levi, producteur, scénariste, réalisateur, pour qui l’envie de remédier à ce « rien » va rapidement se concrétiser : passionné par le travail psychothérapeutique (lui-même en thérapie depuis de nombreuses années), Hagai Levi décide de se lancer dans la création d’une série centrée sur ce processus. Be Tipul – qui signifie « en thérapie » – voit le jour en 2005. Cinq ans plus tard, quatorze pays, dont les États-Unis, ont ou vont réaliser une adaptation de la série israélienne.

Qui aurait cru qu’un concept à priori aussi austère aurait suscité un tel engouement dans le monde entier ? (Certainement pas la télévision française, en tout cas, qui n’a à ce jour toujours pas signé pour une version nationale.) Un cabinet, un psy, un patient, quatre murs et pas un gramme d’action : rien de très excitant à première vue. Et pourtant…

Diffusée depuis le 28 janvier 2008 sur HBO, la version américaine de Be Tipul est extrêmement fidèle à l’originale. Et pour cause : Hagai Levi en est également le producteur exécutif, et a joué un grand rôle dans le travail d’adaptation. In Treatment reprend le même découpage scénaristique : l’épisode du lundi (la série est diffusée quotidiennement par HBO, et rediffusée sur le même rythme en France par Orange Cinéma Séries) est consacré à la première patiente de la semaine, Laura ; le mardi on retrouve Alex, puis Sophie le mercredi, suivie de Jake et Amy le jeudi ; le vendredi, c’est au tour du psy lui-même, Paul Weston, de retrouver sa propre thérapeute. Chaque épisode dure trente minutes et respecte la durée d’une séance.

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Ce sont les mêmes motifs qui amènent les patients à consulter dans Be Tipul et dans In Treatment, du moins pendant la première saison. Laura, la patiente du lundi, est une jeune femme incapable de s’engager dans sa relation amoureuse actuelle, et qui tombe très amoureuse de son thérapeute. Alex, lui, pousse la porte du cabinet de Paul Weston pour la première fois lorsque nous faisons sa connaissance : pilote de chasse dans l’armée américaine, il revient d’une mission désastreuse au cours de laquelle il a causé la mort d’une dizaine d’enfants. Son ego surdimensionné cache des blessures profondes, et en fait un personnage très complexe. Dans la version originale, son statut de pilote de chasse faisait davantage sens, les pilotes étant considérés comme des demi-dieux en Israël ; aux États-Unis, une star du base-ball ou du football américain aurait certainement été plus adaptée pour dégager la même aura, mais faute de temps les scénaristes et producteurs de In Treatment ont dû conserver en l’état le personnage d’Alex. Sophie, qui consulte le mercredi, est une adolescente gymnaste qui refuse de s’avouer certaines tendances suicidaires. Jake et Amy, enfin, tentent de prendre une décision par rapport à la grossesse d’Amy, incapables de s’accorder sur la question d’un avortement.

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Les difficultés que traversent les personnages de la série sont volontairement très marquées, parfois presque archétypiques : la tension et l’efficacité dramatique passent avant le réalisme clinique, mais la tonalité d’ensemble est si juste que l’on ne saurait s’en plaindre. Une justesse portée en premier lieu par une distribution impeccable et d’excellents acteurs, avec une mention spéciale à Gabriel Byrne dans le rôle du psy. Les dialogues – en grande partie issus de la version originale – sont d’une incroyable finesse, servis par des silences tout aussi porteurs de sens. Car le moindre geste, la moindre respiration compte ici, dans une configuration finalement très proche du théâtre ; la dimension théâtrale est par ailleurs davantage ressentie dans Be Tipul, où les mouvements de caméra sont quasiment inexistants et la mise en scène limitée aux champs / contrechamps. Il est également amusant de noter, de la version israélienne à la version américaine, la différence de ton dans les échanges entre le psy et ses patients, voire entre le psy et sa propre thérapeute : là où la communication est souvent rugueuse, plus directe voire agressive dans Be Tipul, In Treatment donne une impression plus policée ; il est d’autant plus passionnant de voir s’écailler successivement les couches de vernis…

En France, In Treatment a été injustement traduit par « En Analyse ». Il n’est pourtant pas question dans cette série de psychanalyse mais de psychothérapie ; les mécanismes à l’oeuvre entre un patient et son analyste se jouant en grande partie à un niveau inconscient, il aurait probablement été difficile de les rendre plus visibles, et donc plus lisibles, par le spectateur. Un spectateur qui se pose ici en véritable voyeur, autorisé pour la première fois à assister en secret à une psychothérapie qui n’est pas la sienne, et qui vient pourtant raviver ses propres plaies. C’est probablement la raison principale du succès mondial de Be Tipul.

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