samedi 6 novembre 2010

The Shield (saison 1) : good cop, bad cop

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“Good cop and bad cop have left for the day. I’m a different kind of cop”, annonce d’entrée de jeu Vic Mackey, leader particulier de la tout aussi particulière Strike Team : au sein du commissariat de Farmington, situé dans l’un des quartiers les plus dangereux de Los Angeles, la brigade de Vic Mackey est réputée pour ses méthodes expéditives et brutales, souvent plus proches de la rue que de la loi. Mais à l’heure où seuls semblent compter les résultats, force est de constater l’efficacité de la Strike Team en terme de statistiques ; collègues et hiérarchie ferment donc les yeux sur les moyens employés pour justifier la même finalité : la baisse de la criminalité.

C’est d’ailleurs l’un des principaux intérêts d’une série qui parvient toujours à éviter le piège du manichéisme : si les flics du commissariat de Farmington se refusent dans l’ensemble à accepter les méthodes de Mackey, rares sont ceux qui n’ont pas recours à son aide, pour obtenir des informations sur une enquête difficile, ou au détour d’un interrogatoire enlisé. “J’appartiens à une autre espèce de flics”, clame Mackey, ne s’alignant ainsi ni sur les bons ni sur les mauvais : si au début de la première saison son personnage apparaît comme l’une des plus belles ordures télévisuelles qu’il nous ait été donné de rencontrer, violent et corrompu jusqu’à la moelle, les épisodes suivants lui font gagner en nuance et en humanité. Certes Mackey et ses hommes augmentent leurs revenus en vendant leur protection aux dealers, se servent sur les saisies de drogue, cognent, menacent et tuent lorsqu’ils le jugent nécessaire ; mais Mackey n’en est pas moins capable de soutien, lorqu’il s’agit d’aider une prostituée toxico à se sevrer sans perdre son enfant, ou d’encourager un collègue ébranlé par une situation difficile. Rien de tout cela ne fait de lui un homme plus droit, mais on comprend dès lors que ses agissements obéissent à une certaine morale ; Vic Mackey a ses propres limites et son propre système de valeurs, appelant sans cesse une certaine prise de position du spectateur. Mais peut-on juger ? Et sur quels critères ?

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The Shield, créée par Shawn Ryan en 2002, dérange d’autant plus qu’elle utilise les codes du reportage : caméra à l’épaule quasiment sans cesse en mouvement, faux raccords, mise au point hasardeuse et zooms grossiers, tout est fait pour provoquer un sentiment d’immersion et donner l’illusion d’assister à une réalité dont nous ne devrions pas être témoins. Considérée comme particulièrement novatrice, The Shield doit toutefois beaucoup à des séries comme Hill Street Blues (plus connue en France sous le nom de Capitaine Furillo) ou Homicide : Life on the Streets. C’est en effet Hill Street Blues qui, dès le début des années 80, avait osé proposer ce mélange entre documentaire et série policière, utilisant les codes du soap opera pour mêler aux enquêtes certains éléments de la vie personnelle des policiers ; ce fut elle aussi qui contribua à populariser les ensemble shows (séries chorales), faisant du commissariat le véritable protagoniste de la série.

Fonctionnant en binômes - tant sur le plan professionnel que narratif -, les flics de The Shield sont aussi différents que captivants : de Claudette et Dutch à Julian et Danny, leurs caractères, leurs relations de boulot et leurs aventures personnelles sont particulièrement soignés et contribuent à leur profondeur ; Vic Mackey, lui, est en constante opposition avec le capitaine Aceveda, récemment nommé et bien décidé à lutter contre la corruption de certains flics. Ce qui pourrait faire de lui l’incarnation de la morale et de la justice est tout de suite relativisé : si Aceveda accorde tant d’importance au respect de la loi, c’est davantage par ambition politique que par conviction personnelle. Cette première saison s’ouvre et se clôt sur l’un de ses discours, entrecoupé dans le pilote par des images de Mackey occupé à tabasser un dealer : le ton est donné et libre à nous, spectateurs, de décider de quel côté se trouve l’éthique, si toutefois éthique il y a. L’image du commissariat inondé par une rupture de canalisation en dit long sur le désarroi des flics : comment appliquer la justice, quelles valeurs suivre et à quelle morale se référer dans une société qui prend la flotte de toute part ?

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