samedi 6 novembre 2010

Ces personnages que l'on déteste : de Nellie Oleson à T-Bag

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Est-ce à cause du ciel plombé, comme seule la Toussaint peut en faire ? Ou bien du changement d’heure, annonciateur d’un hiver trop long ? Quoi qu’il en soit, et comme l’altruisme, l’amour de mon prochain et le dévouement sont mes seuls guides – si, si -, j’ai décidé de vous faire partager aujourd’hui ma méchante humeur et de vous parler de ces personnages qui nous agacent, nous font grincer des dents, crisper la mâchoire et frissonner l’échine. Si nous en avons tous croisé quelques uns au hasard de nos visionnages, il est parfois difficile de s’expliquer pourquoi celui-ci et pas celle-là déclenche en nous des envies de meurtre ; les personnages retenus pour ce billet sont donc le fruit de la plus parfaite subjectivité…

Jenny Schecter, la narcissique (The L Word)

jenny-shecter.1288636554.jpgInterprétée par Mia Kirshner, Jenny Schecter est un personnage clé de The L Word, celle par qui tout commence : fraîchement débarquée à Los Angeles, où l’attend Tim, son compagnon depuis trois ans, Jenny nous servira de guide au sein du milieu lesbien de L.A. A priori très amoureuse de son homme, sa rencontre avec la pulpeuse Marina va pourtant bouleverser sa vie et l’amener progressivement à admettre son homosexualité.

Le problème avec Jenny, c’est qu’elle en fait des tonnes : femme-enfant aux mimiques précieuses et à la fausse fragilité, capricieuse à ses heures, narcissique, manipulatrice et menteuse lorsqu’elle ne se sent pas suffisamment aimée, elle s’est rapidement attirée une cote d’impopularité telle que la créatrice de la série, Ilene Chaiken, s’est efforcée d’appliquer au personnage des changements susceptibles d’inverser la tendance. Peine perdue : Jenny restera le personnage le moins apprécié de The L Word, malgré son rapprochement avec la très populaire Shane. Conscients qu’il ne pourront changer la donne, les scénaristes décideront par la suite de s’en amuser… jusqu’au bout.

La saison 2 et ses passages onirico-pédants censés mettre en scène les textes écrits par Jenny – oui, parce que Jenny écrit – constituent une véritable épreuve, et n’ont certainement pas contribué à renforcer la sympathie à son égard. Le New York Magazine résumera finalement assez bien le développement de son personnage : « Season 1 : Selfish Jenny ; Season 2 : Victimized Jenny ; Season 3 : Heartless Jenny ; Season 4 : Vindictive Jenny ; Season 5 : Bitchy and narcissistic Jenny : Season 6 : D… (spoiler) Jenny ».

Theodore « T-Bag » Bagwell, le méchant très méchant (Prison Break)

tbag-3.1288636613.jpgOriginaire de l’Alabama, T-Bag est le fruit d’un viol incestueux, son père ayant agressé sa propre soeur – la tante de T-Bag -, atteinte de trisomie 21. Le ton est donné, et l’on comprend facilement que ce background ait quelque peu ravagé le garçon, dont l’enfance fut marqué par la violence et les abus sexuels. Le petit Theodore s’essaie un temps à la torture sur les animaux, avant d’entamer une carrière dans le vandalisme. Arrêté après avoir tenté d’incendier la maison de son instituteur de CM1, il est condamné à purger une peine dans un centre pour jeunes délinquants. C’est à cette occasion qu’il marque encore quelques points dans le concours du plus sale type ever, puisqu’il devient alors membre de l’« Alliance pour la pureté », un groupuscule fictif néo-nazi. Quelques années plus tard, T-Bag est condamné à perpétuité pour viols, enlèvements et meurtres.

Son incarcération ne l’empêche pas de continuer à terroriser et violer de jeunes garçons qu’il soumet totalement à sa volonté, et ses fameux roulements de langue glaceront le sang de ses codétenus et de bon nombre de téléspectateurs. Des codétenus qui n’auront d’autre choix que de l’inclure à leur projet d’évasion, dont T-Bag a malencontreusement eu vent et qu’il menace de révéler au grand jour s’il n’y est pas associé ; une main en moins – on se souvient d’ailleurs avec régal de la tentative de greffe faite par un… vétérinaire - et quelques semaines de cavale plus tard, il parvient avant Lincoln et Michael à l’endroit où est censé les attendre l’argent de Westmoreland, apprend le plan menant au butin par coeur et l’avale, forçant les deux frères à collaborer avec lui. Fourbe, manipulateur, pervers et violent, T-Bag est l’incarnation même du « vrai méchant », qui glace le sang mais dont on attend impatiemment chaque apparition. Robert Knepper, l’acteur qui l’incarna durant quatre saisons, raconte d’ailleurs comment, alors qu’il sortait d’un ascenseur, une femme qui se tenait sur le palier se mit à hurler lorsque les portes s’ouvrirent, persuadée qu’elle avait devant les yeux le « véritable » T-Bag…

Rhonda Volmer, la manipulatrice (Big Love)

rhonda.1288636832.jpgInterprétée par Daveigh Chase, Rhonda Volmer est une des pestes les plus réussies de ces dernières années : au début prise en pitié de par la cruauté de sa situation – Rhonda est « réservée » depuis ses 14 ans au Prophète Roman Grant, chef spirituel de la communauté mormone fondamentaliste de Juniper Creek -, les scénaristes s’amusent très rapidement à détourner le personnage.

De victime innocente, Rhonda acquiert peu à peu le statut de la plus grande manipulatrice de l’Utah : après s’être enfuie de Juniper Creek dans le coffre de la voiture de Nicki et Bill, elle supplie Barb, la « chef » des trois épouses de Bill, de l’accepter au sein de sa famille – après avoir été à l’origine de leur dénonciation publique, la polygamie étant interdite en Utah et réprouvée par l’Eglise officielle mormonne -. Voyant que la sauce ne prend pas, la jeune Rhonda – 16 ans à peine – passe au chantage et aux menaces en tout genre ; appelée comme témoin à charge lors du procès de Roman Grant, elle prévoit là encore de mentir, avant que Adaleen, la première femme de Roman, n’achète son silence. Menteuse pathologique, calculatrice, égoïste et malsaine, Rhonda est un personnage complexe, bien écrit et extrêmement bien interprété.

Ralph Cifaretto, l’instable (Les Soprano)

ralph-cifaretto.1288636701.jpgSimple « soldat » au sein de la famille mafieuse DiMeo lors de sa première apparition dans Les Soprano (3.02), Ralph Cifaretto est promu « capo » sous l’autorité de Tony Soprano et de Corrado « Junior » Soprano. Cocaïnomane, capable d’accès de violence totalement imprévisibles, obsédé par le Gladiator de Ridley Scott, Ralph Cifaretto est ulcéré par le refus de Tony de le hisser au rang de « capitaine ». Passé maître dans l’art de toujours prononcer la mauvaise phrase au mauvais moment, il marquera les esprits en frappant à mort Tracee, une jeune strip-teaseuse du Bada Bing ; un geste qui choquera Tony, incapable de ne pas faire le rapprochement entre Tracee et de sa fille Meadow, toutes deux âgées de vingt ans.

Il n’hésitera pas à ordonner la mort de son beau-fils, et à quitter abruptement la mère de celui-ci, déjà dévastée par la disparition de son enfant. C’est tout naturellement sur Janice, la soeur de Tony, qu’il jettera son dévolu, tant celle-ci semble avoir un don pour attirer les plus désaxés des mafieux – on se souvient du point final sanglant mis à sa relation avec le tout aussi détestable Richie Aprile - ; les penchants sado-masochistes de Ralph, le garçon n’aimant rien tant qu’à jouer les femmes soumises, auront finalement raison de leur histoire.

J’ajouterai à mon palmarès des personnages les plus détestables celui d’Atia dans Rome, mère d’Octave et maîtresse de Marc-Antoine, ennemie jurée de Servilia ; Vern Schillinger, le tortionnaire de Tobias Beecher dans Oz, à la tête du groupuscule « Aryan Brotherhood », figure également en bonne place dans cette liste. Comment oublier, enfin, celle qui continue depuis plus de 35 ans d’être haïe par des générations de spectateurs : Nellie Oleson, l’insupportable gamine de La Petite Maison dans La Prairie, menteuse, manipulatrice, tricheuse et vaniteuse, peste d’entre les pestes qui se transformera néanmoins en épouse douce et aimante – comme toute femme respectable se doit de l’être dans cette série – après sa rencontre avec le New Yorkais Percival Dalton.

Et vous, quelle est votre liste noire ?

Hommes, femmes, mode d'emploi de la télévision

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Si les personnages féminins n’ont cessé d’évoluer ces vingt dernières années, gagnant progressivement en indépendance, en reconnaissance et en liberté – que ce soit sur le plan familial, conjugal, social ou professionnel -, il m’a semblé intéressant de trouver, pour quelques grandes figures masculines (prisonniers, flics, psys, médiums, dragueurs, présidents, etc) leur alter ego féminin. Quelles sont les ressemblances entre Jim Profit (Profit) et Patty Hewes (Damages) ? Qu’est-ce qui sépare Nancy Botwin (Weeds) de Walter White (Breaking Bad) ? Lila est-elle vraiment l’alter ego de Dexter ? God Save My Screen vous propose quelques pistes de réflexion…

24 et la figure du Président : de David Palmer à Allison Taylor

24h1.1288217641.jpgSénateur démocrate du Maryland avant d’être élu président, David Palmer est dans 24 le premier afro-américain à accéder à la Maison Blanche, préfigurant pour beaucoup l’élection de Barack Obama ; intègre, honnête, et très concerné par le bien-être de ses citoyens, Palmer a tout du politicien idéal. Sur le point de dénoncer un espion infiltré au sein du gouvernement, Palmer sera finalement assassiné au cours du premier épisode de la cinquième saison.

Si 24 s’ouvre sur l’élection du premier Noir à la présidence des Etats-Unis, elle s’achève - saisons 7 et 8 - peu après l’accession de la première femme à la Maison Blanche : la boucle est bouclée, et Allison Taylor, dont on ne connaîtra jamais l’appartenance politique – à l’image de tous les autres présidents de 24, Palmer étant la seule exception à cette « règle » -, s’inscrit dans la lignée de David Palmer. « Il est temps de revenir à un président idéalisé », déclarera Howard Gordon, producteur exécutif de la série. Outre leur sens de l’honneur et de la loyauté, Palmer et Taylor ont en commun leur appartenance à une « minorité », sous-représentée au sein des instances gouvernantes ; il faut croire que leur couleur de peau et leur sexe devaient nécessairement être compensés par leur incroyable intégrité…

Jim Profit (Profit) vs Patty Hewes (Damages)

damages2.1288217685.jpgCréée en 1996 par David Greenwalt et John McNamara, Profit fut probablement aussi courte que subversive : lancée en avril 1996 sur la Fox, qui ne diffusa que quatre épisodes sur huit, la série met en scène le personnage de Jim Profit (Adrian Pasdar), employé dévoué de la multinationale Gracen & Gracen qui, soudainement promu au sein du conseil d’administration de l’entreprise, est appelé à remplacer un cadre décédé dans des circonstances étranges. Si chez Gracen & Gracen, la fin justifie les moyens, Jim Profit va pousser le principe à l’extrême : véritable psychopathe prêt à tout pour gravir les échelons de la boîte, il manipule, calomnie, harcèle et détruit tout ce qui se met en travers de son chemin, n’hésitant pas à fouiller dans la vie privée des employés de G & G pour mieux exploiter leurs blessures et leurs secrets. Véritable monstre d’intelligence et de perversité, Jim Profit donne toute sa force à une série qui s’attaquera sans faillir à un certain nombre de tabous : inceste, homosexualité, parricide, pédophilie, Profit n’a peur de rien, et surtout pas du scandale.

De son côté, Patty Hewes (Damages), à la tête du cabinet d’avocats le plus puissant de New York, n’a à priori pas franchement à rougir de la comparaison : experte ès mensonges, menaces et chantages en tout genre, capable de colères glaçantes et de coups bas inimaginables, elle atteint dès le pilote un degré de machiavélisme tel qu’elle parviendrait presque à faire passer Jim Profit pour un enfant de chœur… à ceci près que Patty Hewes n’est pas nécessairement le monstre qu’elle paraît être, et que les scénaristes s’empressent de nous le faire comprendre : après avoir mis sur pied les pires manigances, Patty s’humanise à la fin de la première saison, dévoilant une blessure du passé – la perte d’un enfant – et une certaine capacité à éprouver de la compassion et du remords. Comme si, malgré tout, il existait pour les personnages féminins, davantage que pour les personnages masculins, une limite à ne pas franchir.

Walter White (Breaking Bad) vs Nancy Botwin (Weeds)

weeds3.1288217744.jpgJe ne peux m’empêcher de constater cette même différence de traitement entre personnage masculin et féminin avec le « cas » Nancy Botwin / Walter White. Même s’il est clair que l’ambition de départ n’est pas la même, entre ce qui se veut une dramédie d’un côté, légère et perdant malheureusement de son sel à partir de la quatrième saison, et de l’autre côté un drama ambitieux et parfaitement maîtrisé, dont le mot d’ordre est « Go big or go home », difficile de ne pas s’interroger sur les parcours respectifs de leurs personnages principaux.

Tandis que Walter White franchit toutes les limites imposées par la loi et la morale, et se transforme peu à peu, à l’annonce de sa maladie, en fabriquant de métamphétamine, Nancy Botwin se cantonne au trafic d’herbe dans le voisinage de sa banlieue huppée. Si tous deux ont pour objectif, du moins au début, de subvenir aux besoins de leur famille, les actes de Walter White ne pourront pas longtemps être justifiés par cet argument altruiste. Le héros de Breaking Bad aurait-il réellement pu être incarné par un personnage féminin ? Un personnage s’éloignant de sa famille pour s’enfoncer dans le trafic de drogue dure ? Reste que Weeds, du moins dans ses trois premières saisons, propose un regard plutôt grinçant et intéressant sur la banlieue chic et les classes supérieures, tandis que Breaking Bad s’attache finalement moins à décrire les tourments de la classe moyenne que la profonde transformation d’un personnage.

Prison d’hommes (Oz) vs prison de femmes (Capadocia)

capadocia4.1288217781.jpgOn se souvient tous de Oz, drame carcéral créé par Tom Fontana (Homicide, St Elsewhere) et diffusé sur HBO entre 1997 et 2003. Pour ceux qui seraient passés à côté, Oz mettait en scène la vie quotidienne des détenus au sein du quartier pénitentiaire expérimental Emerald City, unité pilote administrée par Tim Mc Manus dans le but d’améliorer les conditions de vie des prisonniers, au sein de la prison de haute sécurité Oswald State Penitenciary.

Capadocia, produite par HBO Latin America, est une série mexicaine qui n’a rien à envier à Oz en terme de violence et de critique sociale et d’engagement politique. La différence ? Capadocia est une prison pour femmes, pénitencier expérimental là aussi, mis en place par des politiciens corrompus pour des raisons bien moins nobles que celles de Tim Mc Manus : disposer d’une main d’oeuvre bon marché, corvéable à merci et dépourvue de tout moyen de protestation. Des politiciens qui n’hésiteront pas à déclencher une émeute pour accélérer le processus de privatisation de la prison, et qui fera 18 morts. Un discours brut, sans détour, pour une série au casting en grande majorité féminin.

Paul Weston (In Treatment) vs Jennifer Melfi (Les Soprano)

soprano5.1288217822.jpgInterprété par l’irlandais Gabriel Byrne, Paul Weston est un psy en proie au doute, à la colère, au désir et à la lassitude : (presque) toujours calme en apparence, le Dr Weston se libère le vendredi, quand vient son tour de consulter son propre analyste. Un psy montré sous un jour humain et relativement réaliste, bien qu’employant des méthodes parfois un peu moins conventionnelles que celles du Dr Jennifer Melfi, la psy de Tony Soprano. Plus silencieuse, plus distante, Melfi n’en est pas moins irrésistiblement attirée par son patient, qui provoque chez elle une fascination mêlée de terreur. Melfi restera sourde aux multiples injonctions de son entourage et de son propre psy, qui ne cesseront de lui demander de mettre fin à sa thérapie avec le parrain du New Jersey. Au point de se demander qui des deux, au final, aura le plus apporté à l’autre.

Angela’s Eyes, une « mentaliste » au féminin

angela6.1288217882.jpgJe ne m’attarderai pas sur cette série plutôt ratée, qui fut d’ailleurs annulée au bout de 13 épisodes. Angela’s Eyes, créée par Dan McDermott et diffusée en 2006 sur Lifetime, n’a d’intérêt que son pitch : la série met en scène Angela Hanson, une jeune femme qui, confrontée très tôt aux activités troubles de ses parents, est devenue avec les années un véritable détecteur de mensonges. Rien ne lui échappe, et tout est susceptible de vous trahir face à Angela, qui a mis ses talents au service du FBI. Ça ne vous rappelle rien ? Deux ans avant The Mentalist, trois ans avant Lie To Me, le succès ne fut pas au rendez-vous pour l’alter ego féminin de Patrick Jane et de Cal Lightman.

Impossible de citer tous les duos masculins / féminins construits sur le même modèle, ni toutes les séries reprenant un même concept en le faisant porter par un personnage du sexe opposé. On peut tout de même mentionner, à défaut de développer, les séries policières The Division et Women’s Murder Club, constituées de brigades entièrement féminines ; le duo formé par George (Dead Like Me) et Ned (Pushing Daisies), deux séries créées par Bryan Fuller et reprenant l’idée d’un personnage capable soit de recueillir les âmes des futurs morts, soit de les ramener à la vie (on pense également à Tru Calling) ; difficile de ne pas citer The L Word, et notamment le personnage de Shane, en parallèle avec Queer As Folk et le personnage de Brian, tous deux séducteurs patentés dans les « milieux » lesbien (The L Word) et gay (Queer As Folk) ; Dexter croisera le temps d’une saison son alter ego féminin en la personne de Lila, qui abrite elle aussi un « passager obscur » ; Nurse Jackie, infirmière aux méthodes peu conventionnelles, accro aux médicaments, peut difficilement ne pas faire penser à Gregory House ; quant aux séries Life On Mars et Ashes to Ashes (spin-off de la première), leur construction similaire – deux inspecteurs étrangement renvoyés dans le passé - met également en lumière l’opposition entre le personnage masculin (Life On Mars) et féminin (Ashes to Ashes).

La figure du psy dans les séries

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Psychiatres, psychologues, psychanalystes, thérapies courtes, de couple, de groupe… : nombreuses sont les séries télé qui intègrent à leur intrigue un personnage de thérapeute, régulier ou occasionnel. Mais si les années 2000 ont marqué l’apparition du psy comme possible figure centrale de la série (In Treatment, Huff, State Of Mind, Tell Me You Love Me, Head Case, Lie To Me), certaines avaient déjà exploré cette voie quelques années auparavant (The Bob Newhart Show, Sessions). Aujourd’hui, rares sont les séries dont les personnages ne sont pas amenés, à un moment ou à un autre, à livrer leurs tourments dans le secret d’un cabinet de psy.

Diffusée sur CBS de 1972 à 1978, The Bob Newhart Show fut la première série – à ma connaissance – à s’articuler autour de la figure centrale d’un psy , en l’occurrence celle de Robert Hartley (interprété par Bob Newhart), psychologue à Chicago. Partagée entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle, l’intrigue faisait la part belle à certains patients particulièrement perturbés, comme l’odieux et totalement névrosé Elliot Carlin (Jack Riley) ou le très introverti Emil Peterson (John Fiedler), vétéran de la Marine.

En 1991, Billy Cristal crée la série Sessions, diffusée sur HBO : en seulement six épisodes, Sessions met en place le personnage de Dan Carver, avocat quadragénaire soudain perturbé par d’étranges rêves ; persuadé que quelque chose ne tourne pas rond, il entreprend une psychanalyse avec le Docteur Bookman. De l’impuissance à la masturbation, en passant par la relation avec ses parents, sa femme et ses enfants, Sessions aborde la question de la « midlife crisis » sous l’angle de la comédie, et refuse de se limiter à un catalogue de névroses. Entre séquences déjantées et moments d’émotion, Sessions est brillamment interprétée (Elliott Gould dans le rôle du psy, Michael Mc Kean dans le rôle de Dan Carver), intelligemment écrite et, ce qui ne gâche rien, très drôle (à voir rien que pour la bande-son extraite de Psychose dans la scène où Dan Carver, fantasmant sur sa femme, découvre à sa place le visage de sa mère…)

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Puis vint l’incontournable, celle que l’on ne peut décemment ignorer lorsque l’on évoque les personnages de psys dans les séries télé : Les Soprano (1999-2007), créée par David Chase – qui a transposé ses propres démons dans ce qui restera probablement l’œuvre de sa vie -, réussit là où Mafia Blues avait échoué : donner de l’épaisseur et de la profondeur à la thérapie d’un Parrain de la Mafia. Chase lui-même s’amuse de la comparaison, et fait dire à Tony, lors d’une rencontre avec un psy qui ne le convainc pas : « Mafia Blues ? But it’s a fucking comedy ! » Ses séances avec le Dr Melfi, psychiatre, marquent une rupture dans la narration et offrent un recul très intéressant : commentaire de l’action, flash backs, exploration de l’inconscient du personnage, décalage entre son discours et la réalité telle qu’elle nous est montrée, la thérapie de Tony Soprano donne tout son sel à une série qui prend plaisir à se démarquer des grands films de mafia.

Filmé comme un lieu hors du temps et du monde – on ne fera qu’entrapercevoir le chemin que Tony emprunte pour s’y rendre -, le cabinet du Dr Melfi est à la fois un refuge et un réceptacle des fantasmes les plus divers. Dans leur ouvrage, « Les Soprano, portrait d’une Amérique désenchantée », Frédéric Foubert et Florent Loulendo décrivent bien ce lieu hors du monde : « A l’extérieur, passé la salle d’attente, l’indécision géographique est totale ; indécision d’autant plus surprenante pour une série ancrée dans une topographie si précise du New Jersey et n’aimant rien tant que montrer, dès son générique d’ouverture, les déplacements quotidiens de son héros. Si les autres lieux totémiques de la série sont en effet propices aux allées et venues incessantes des personnages (significativement, le Bada Bing et Satriale sont situés en bord de route), le cabinet de l’analyste semble n’exister que dans un outremonde indéterminé, augmentant la sensation irréelle de séquences venant marquer un temps d’arrêt à la fiction et à son lot de batailles mafieuses et domestiques. »

La conclusion, à laquelle le Dr Melfi aboutira à la lecture d’une étude intitulée The Criminal Personnality, est amère : psychothérapie et psychanalyse sont vaines pour les criminels de sa trempe, et si progrès il y eut, ils lui servirent principalement à affiner ses stratégies de chef de la Mafia locale. Pas de rédemption donc, mais un fascinant objet d’étude… et de fiction. Car si Lorraine Bracco obtint un prix de l’American Psychoanalytic Association récompensant « la psychanalyste la plus crédible jamais apparue au cinéma ou à la télévision », et fut également conviée à un congrès spécial d’une association de psychanalystes américains pour évoquer l’identification ressentie par les thérapeutes-spectateurs durant la diffusion de la série, il ne s’agit toutefois pas de perdre de vue que l’analyse de Tony est avant tout au service de la narration. Elle y occupe une place toute particulière, introduisant une véritable réflexion et conférant une grande densité à son personnage. Très admiratif du travail de David Lynch – et notamment de Twin Peaks -, David Chase est parvenu à faire du rêve et de la digression onirique un motif récurrent des Soprano, offrant ainsi une véritable plongée dans l’inconscient de son personnage principal.

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Huff, diffusée entre 2004 et 2006 sur Showtime, reste dans la veine tragi-comique de Sessions, et met en scène le personnage du Dr. Huffstodt (Hank Azaria), un psychiatre très compétent bouleversé par le suicide d’un patient dans son cabinet. Point de départ d’une immense remise en question, Huff nous fait ensuite découvrir la famille du psychiatre, de Beth, la très belle épouse, à Byrd l’enfant prodige, en passant par Izzy, sa propre mère au passé très sombre et Teddy, son frère schizophrène. La série s’achèvera au bout de deux saisons (26 épisodes).

En 2007, trois séries s’articulent autour de la figure d’un psy, de manière plus ou moins habile. Tell Me You Love Me, créée par Cynthia Mort et diffusée sur HBO, met en scène trois couples en crise : Dave et Katie, parents de deux enfants, qui se sont quelque peu perdus de vue au fil des années ; Carolyn et Palek, trentenaires dans le vent et plutôt aisés, tentent désespérément d’avoir un bébé, laissant peu à peu leur désir d’enfant consumer l’équilibre de leur couple ; Hugo et Jaimie, enfin, jeune couple sur le point de se marier lorsque l’une commence à éprouver des doutes au sujet de la fidélité de l’autre. Au centre de ce dispositif, le Dr May Foster, psychothérapeute sexagénaire et à priori totalement épanouie dans son couple, tente de mettre à jour leurs angoisses et leurs incompréhensions. Le buzz qui accompagna la série – les scènes de sexe, très crues, étant supposées non simulées – finit malheureusement par lui nuire, en l’enfermant dans une logique voyeuriste et réductrice ; dommage, car Tell Me You Love Me avait bien davantage à proposer que quelques scènes de sexe, simulées ou pas.

La même année, la chaîne Starz diffuse Head Case (de 2007 à 2009), centrée autour du personnage d’Elizabeth Goode, la thérapeute de l’élite hollywoodienne. Non conventionnelle, volontiers désagréable et franchement tourmentée, le Dr. Goode partage son cabinet avec le Dr. Myron Finkelstein, freudien vieillissant et au bord de la faillite. Malgré un humour assez mordant et des guests de qualité – Jerry Seinfield, notamment, y incarnera un patient -, Head Case ne trouvera jamais réellement son public et sera annulée au bout de trois saisons.

Toujours en 2007, Lifetime diffusa State of Mind : Lili Taylor – Lisa dans Six Feet Under – y interprète le personnage du Dr. Ann Bellows, thérapeute dont la vie dérape le jour où elle découvre que son mari la trompe avec leur conseiller conjugal. La série sera annulée au bout de 13 épisodes.

L’année 2008 est une petite révolution, avec l’arrivée sur les écrans américains de In Treatment, adaptation de la série israélienne Be Tipul, créée par Hagai Levi en 2005. Cinq ans plus tard, quatorze pays, dont les États-Unis, ont ou vont réaliser une adaptation de la série israélienne. Diffusée depuis le 28 janvier 2008 sur HBO, la version américaine de Be Tipul est extrêmement fidèle à l’originale. Et pour cause : Hagai Levi en est également le producteur exécutif, et a joué un grand rôle dans le travail d’adaptation.

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In Treatment reprend le même découpage scénaristique : l’épisode du lundi (la série est diffusée quotidiennement par HBO, et rediffusée sur le même rythme en France par Orange Cinéma Séries) est consacré à la première patiente de la semaine, Laura ; le mardi on retrouve Alex, puis Sophie le mercredi, suivie de Jake et Amy le jeudi ; le vendredi, c’est au tour du psy lui-même, Paul Weston, de retrouver sa propre thérapeute. Chaque épisode dure trente minutes et respecte la durée d’une séance. Les difficultés que traversent les personnages de la série sont volontairement très marquées, parfois presque archétypales : la tension et l’efficacité dramatique passent avant le réalisme clinique, mais la tonalité d’ensemble est si juste que l’on ne saurait s’en plaindre.

Une justesse portée en premier lieu par une distribution impeccable et d’excellents acteurs, avec une mention spéciale à Gabriel Byrne dans le rôle du psy. Les dialogues – en grande partie issus de la version originale – sont d’une incroyable finesse, servis par des silences tout aussi porteurs de sens. Car le moindre geste, la moindre respiration compte ici, dans une configuration finalement très proche du théâtre ; la dimension théâtrale est par ailleurs davantage ressentie dans Be Tipul, où les mouvements de caméra sont quasiment inexistants et la mise en scène limitée aux champs / contrechamps.

Il est également amusant de noter, de la version israélienne à la version américaine, la différence de ton dans les échanges entre le psy et ses patients, voire entre le psy et sa propre thérapeute : là où la communication est souvent rugueuse, plus directe voire agressive dans Be Tipul, In Treatment donne une impression plus policée ; il est d’autant plus passionnant de voir s’écailler successivement les couches de vernis… En France, In Treatment a été injustement traduit par « En Analyse ». Il n’est pourtant pas question dans cette série de psychanalyse mais de psychothérapie ; les mécanismes à l’oeuvre entre un patient et son analyste se jouant en grande partie à un niveau inconscient, il aurait probablement été difficile de les rendre plus visibles, et donc plus lisibles, par le spectateur. Un spectateur qui se pose ici en véritable voyeur, autorisé pour la première fois à assister en secret à une psychothérapie qui n’est pas la sienne, et qui vient pourtant raviver ses propres plaies. C’est probablement la raison principale du succès mondial de Be Tipul.

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En 2009 débarque Lie To Me, créée par Samuel Baum d’après les découvertes scientifiques du docteur en psychologie clinique Paul Ekman – pionnier dans l’étude des émotions via les expressions du visage - ; la série met en scène Cal Lightman, docteur en psychologie spécialisé dans l’analyse du langage corporel et des micro-expressions, qui a exercé quelques années auprès du gouvernement anglais puis des services secrets américains avant de fonder sa propre entreprise, le groupe Lightman.

Impossible, enfin, de citer toutes les séries qui intègrent à l’intrigue et au casting un personnage de psy occasionnel ; on se souvient notamment du Dr. Tracy Clark, la première psy d’Ally McBeal, aussi cinglée que ses patients mais néanmoins compétente : fervente adepte de la « thérapie du sourire », elle leur demande à tous une chanson fétiche et chante durant les séances de consultation ; Dexter (1.08, Shrink Wrap) révèlera sa véritable nature à un psy lui-même responsable de la mort de plusieurs femmes ; Betty Draper, dans Mad Men, exprimera ses angoisses et ses attentes sur le divan d’un psychanalyste ; Bette et Tina, dans The L Word, exploreront sans grand succès les thérapies de couple puis de groupe ; quant à Brenda Chenowith (Six Feet Under), née d’un père psychiatre et d’une mère psychologue totalement fêlés, soeur d’un psychotique violent et suicidaire, elle simulera la maladie mentale à l’attention des psys chargés de son observation durant son enfance – elle fut très tôt diagnostiquée comme surdouée -, avant de poursuivre elle-même des études de psychologie et de spécialiser dans le développement de l’enfant surdoué.

Et lorsque la fiction rejoint le réel, psychologues et sociologues s’accordent pour affirmer que les telenovelas brésiliennes et mexicaines ont sauvé la Russie du désespoir et de la guerre civile : dans un entretien au journal moscovite Ogoniok, le critique de cinéma Daniil Dondoureï assure que ces séries ont servi de « divan thérapeutique » à la population russe, marquée par les conflits armés, la crise économique et la corruption.

Un psy dans la télévision ? Que demande le peuple…

Séries télé et voyage dans le temps

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Considéré comme un genre à part entière de la science-fiction, au même titre que le space opera ou le post-apocalyptique, le voyage dans le temps a marqué la littérature, le cinéma et la bande dessinée : de La Machine à explorer le Temps à Replay,de Terminator à Retour vers le Futur, de Sailor Moon à Quartier Lointain, les récits de voyage dans le temps sont innombrables et explorent toutes les facettes d’un concept totalement fantasmé. Les séries télé ne sont pas en reste, et recyclent en permanence ces idées de boucles temporelles, de projections dans le futur et de tentatives de modification du passé.

Petit tour d’horizon chronologique – mais non exhaustif : n’hésitez pas à mentionner vos références dans les commentaires – de ces explorations temporelles.

Doctor Who (1963-1989, et depuis 2005)

dr-who1.1287566061.jpgCréée par Sydney Newman et Donald Wilson, diffusée de 1963 à 1989 et depuis 2005 sur la BBC One, Doctor Who est à ce jour la plus longue série de science-fiction du monde. Elle met en scène les aventures du Docteur, un Seigneur du Temps (extraterrestre originaire de la planète Gallifrey) voyageant à bord d’un TARDIS (Time And Relative Dimension In Space). Machine à voyager dans le temps mi-vivante, mi-mécanique, le TARDIS a l’apparence extérieure d’une cabine de police bleue et possède de nombreuses propriétés : beaucoup plus spacieux à l’intérieur qu’à l’extérieur, le TARDIS possède un « champ de traduction » capable de comprendre n’importe quel langage, un verrou inviolable, un bouclier de protection, un système gravitationnel propre et un mécanisme de communication universel, permettant notamment de passer des communications téléphoniques à travers le temps et l’espace. Quant au Docteur, capable de se régénérer en changeant de corps à l’approche de la mort, il est très attaché à la Terre et ne se sépare presque jamais de ses compagnons de route, humains pour la plupart.

The Time Tunnel / Au Coeur du Temps (1966-1967)

the-time-tunnel2.1287566115.jpgCréée par Irwin Allen d’après le roman Twists in Time de Murray Leinster, The Time Tunnel met en scène les aventures de deux chercheurs, Tony Newman et Doug Phillips, prisonniers d’un tunnel permettant de voyager dans le temps – le chronogyre – qu’ils ont eux-mêmes inventé. Assistant à des événements passés, de la Révolution française à l’attaque de Pearl Harbor, ou futurs, sans pouvoir modifier le cours de l’Histoire, sautant d’une période à l’autre sans jamais parvenir à regagner leur époque, Tony et Doug sont épaulés par leurs collègues, qui se démènent pour les faire revenir. The Time Tunnel s’acheva au bout d’une saison et 30 épisodes.

Planet of the Apes / La Planète des Singes (1974)

planete-des-singes3.1287566165.jpgSuccédant au film de Schaffner (1968) avec Charlton Heston et Roddy McDowall, lui-même adapté du roman de Pierre Boulle paru en 1963, les 14 épisodes de la série La Planète des Singes furent diffusés entre septembre et décembre 1974 sur CBS. Dystopie mettant en scène les malheurs du colonel Alan Virdon, du major Peter Burke et du navigateur Edward Jones, tous trois membres de l’engin spatial Dédale parti de Terre le 19 août 1980, La Planète des Singes raconte comment, après avoir traversé une brèche de l’espace temps à la vitesse de la lumière, ils atterrirent en catastrophe sur une planète inconnue en l’an 3085. Peuplée d’humains réduits en esclavage par des singes très évolués, cette planète n’est en réalité autre que la Terre, et le récit propose avant tout un regard critique sur notre propre société. Faute d’audience et de budget, la série fut annulée au terme de sa première saison.

Quantum Leap / Code Quantum (1989-1993)

code-quantum4.1287566204.jpgCréée par Donald P. Bellisario (Supercopter, Magnum, JAG, NCIS) et diffusée de mars 1989 à mai 1993 sur NBC, Quantum Leap raconte les voyages dans le temps du scientifique Samuel Beckett (Scott Bakula). Titulaire de six doctorats, notamment en physique quantique, médecine, astrophysique et langues anciennes, Sam Beckett crée un prototype d’accélérateur temporel ; impatient de tester sa machine, Sam se retrouve bel et bien dans le passé, mais dans le corps d’une personne dont il prend temporairement l’apparence. Ce n’est qu’après être intervenu dans la vie de cette personne et avoir réglé des problèmes qui lui sont étrangers qu’il pourra à nouveau changer de corps et de période, sans jamais, toutefois, maîtriser le processus et regagner son époque. Il est aidé dans sa tâche par Al, un homme du présent que Sam ne peut voir que sous la forme d’un hologramme, véritable ressort comique de la série. Reconstitution du passé récent des États-Unis – Sam incarnera ou côtoiera des figures comme Lee Harvey Oswald, Elvis Presley, et sera tour à tour membre du Ku Klux Klan, condamné à mort ou prêtre -, interrogation sur la religion, Quantum Leap regorge de références littéraires et cinématographiques.

Early Edition / Demain à la Une (1996-2000)

early-edition5.1287566238.jpgCréée par Ian Abrams, Patrick Q. Page et Vik Rubenfeld, Early Edition est inspirée d’un film de René Clair, C’est arrivé demain (tourné en 1944 à Hollywood sous le titre It Happened Tomorrow). La série est construite autour du personnage de Gary Hobson, ex-agent de change à Chicago, mis à la porte par son épouse et installé dans un hôtel, le Blackstone. Réveillé chaque matin par les miaulements d’un étrange chat roux surnommé « le chat de Mr Snow », il reçoit invariablement à 6h30 un exemplaire du Chicago Sun-Times… du lendemain. Aidé de Marissa, une amie aveugle, et du vieux Chuck, qui l’aidera durant les deux premières saisons, Gary tente de faire le bien et de prévenir les catastrophes à venir. Alors même que Gary se retrouvait sans repères sociaux, sentimentaux ni professionnels, le voilà transformé en une sorte de super-héros malgré lui, condamné par une conscience de quasi boy scout à prendre soin des autres jour après jour. A noter : Kyle Chandler, l’interprète de Gary Hobson, incarnera dix ans plus tard (à partir de 2006) le coach Eric Taylor dans la série Friday Night Lights.

Seven Days / Sept Jours pour agir (1998-2001)

seven-days6.1287566306.jpgCréée par Zachary et Christopher Crowe en 1998, Seven Days fut diffusée sur UPN durant trois saisons et 66 épisodes. Le pitch : dans le désert du Nevada, à partir des technologies extraterrestres retrouvées à Roswell, une base secrète a développé une machine, la Chronosphère ou Backstep Sphere, capable d’envoyer un homme dans le passé dans le but de modifier le cours de l’histoire et d’éviter les catastrophes à venir. Frank Parker, un ancien soldat, est envoyé sur une mission très particulière : passer sept jours dans le passé pour améliorer l’avenir. Parker parviendra tout de même à sauver le Président des États-Unis, à empêcher la propagation du virus Ebola, à éviter une guerre entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, à déjouer une attaque nucléaire… en seulement sept jours. Alors, Frank Parker ou Jack Bauer ?

Odyssey 5 (2002-2004)

odyssey7.1287566347.jpgCréée par Manny Coto (Star Trek Enterprise, Taken) et diffusée entre 2002 et 2004 sur Showtime, la série met en scène les péripéties de cinq membres de l’équipage de la navette spatiale américaine Odyssey, témoins de la destruction de la Terre le 7 août 2007. Secourus par une étrange créature appelée « le Quêteur », les membres de l’équipage sont renvoyés cinq ans en arrière pour découvrir la cause de la catastrophe, et tenter de l’éviter.

Mais ils vont très vite s’apercevoir qu’on ne joue pas si facilement avec le passé, qu’il soit question de leurs vies personnelles ou de la survie de l’humanité. Faute d’audience suffisante, la série sera annulée au bout d’une saison (20 épisodes).

Tru Calling (2003-2005)

tru-calling8.1287566389.jpgDiffusée sur la Fox entre 2003 et 2005, Tru Calling met en scène le personnage de Tru Davies (incarné par Eliza Dushku, alias Faith dans Buffy), une étudiante en médecine employée à mi-temps dans une morgue. Appelée à l’aide par les cadavres qui l’entourent, Tru revit alors sa dernière journée et met tout en œuvre pour leur sauver la vie. Malgré un schéma assez balisé – Tru entend l’appel à l’aide, se réveille dans son lit et vérifie qu’elle revit bien sa précédente journée avant d’entreprendre de sauver le futur cadavre -, la série tente de ne pas se laisser enfermer dans sa propre formule et apporte un soin tout particulier aux intrigues. Une série pas franchement révolutionnaire, qui fut annulée au bout de deux saisons, mais qui eut notamment le mérite de nous faire découvrir Zach Galifianakis avant ses rôles dans Into The Wild, Very Bad Trip et Bored to Death.

Day Break (2006)

daybreak9.1287566447.jpegCréée par Rob Bowman et Paul Zbyszewski, Day Break fut annulée au bout de 13 épisodes, et seuls les six premiers furent diffusés sur ABC entre novembre et décembre 2006. Recyclant une nouvelle fois le thème du Jour sans Fin, la série raconte les mésaventures de l’inspecteur Brett Hopper. Accusé du meurtre du procureur Garza, Hopper réalise qu’il a été piégé et que sa famille est en danger ; chaque matin, c’est la même journée qui recommence, le confrontant sans cesse aux conséquences de ses choix, et le « condamnant » à découvrir la vérité pour que cesse le cauchemar. Chaque épisode est construit sur le mode du « what if » : « What if they run » (1.02), « What if he lets her go » (1.03), « What if he can change the day » (1.04), « What if they’re stuck » (1.05), etc. La série fut diffusée sur France 4 en 2009.

Journeyman (2007)

journeyman10.1287566512.jpgCréée par Kevin Falls et Alex Graves, et diffusée sur NBC entre septembre et décembre 2007 – une saison de 13 épisodes -, Journeyman met en scène Dan Vasser, un journaliste de San Fansisco qui mène une vie heureuse avec sa femme et son jeune fils, jusqu’au jour où il découvre qu’il peut voyager dans le temps et modifier la vie des gens. Incapable de décider du moment où surviennent ces « bonds », il en est averti quelques instants avant par de violents maux de tête, qui deviendront de moins en moins douloureux au fil du temps. Au cours d’un bond dans le passé, Dan retrouve Livia Beale, sa fiancée décédée dans un mystérieux crash aérien. Pourra-t-il la sauver ? Quelles conséquences ses voyages dans le temps auront-ils pour sa famille ? Les choses se compliquent lorsque Dan comprend que Livia peut elle aussi voyager dans le temps, et qu’elle censée vivre en 1948 : leur rencontre était en réalité le fruit d’un bond de Livia vers le futur, la jeune femme ayant visiblement été appelée pour porter secours à Dan.

Life On Mars (2006-2007)

life-on-mars11.1287566543.jpgSérie britannique de deux saisons et 16 épisodes, Life On Mars raconte l’histoire peu commune de Sam Tyler, commissaire principal à Manchester en 2006 : peu de temps après que sa fiancée ait été enlevée par un tueur en série, Sam est renversé par une voiture et se réveille en 1973, dans un monde où ses méthodes – Sam est devenu inspecteur – sont considérées comme ultra modernes. Le titre de la série est issu de la chanson éponyme de David Bowie, chanson que le personnage principal écoute au moment de son accident. Chaque épisode débute par un monologue de Sam : « My name is Sam Tyler. I had an accident and I woke up in 1973. Am I mad, in a coma, or back in time ? Whatever’s happened, it’s like I’ve landed on a different planet. Now, maybe if I can work out the reason, I can get home.”

Les résultats d’audience, très bons, conduisirent la BBC One à commander un spin-off de Life On Mars : Ashes To Ashes fut diffusée entre février 2008 et mai 2010, et reprend peu ou prou le thème ; impossible cependant d’en donner le pitch sans dévoiler une partie de l’intrigue de Life On Mars

FlashForward (2009-2010)

flashforward12.1287566593.jpgBeaucoup moins réussie que les deux séries précédentes, FlashForward, créée par Brannon Braga et David S. Goyer d’après le roman éponyme de Robert J. Sawyer, bénéficiait pourtant d’une idée de départ plutôt prometteuse : un black-out planétaire de 2 minutes et 17 secondes provoque un chaos sans précédent ; au cours de ce laps de temps, chaque personne a découvert, par le biais d’une vision mystérieuse, ce qu’il adviendrait d’elle six mois plus tard. Une perspective qui va bouleverser l’ordre des choses… Présentée par ABC comme le digne successeur de Lost, et malgré un épisode pilote rondement mené, la série s’enferme rapidement dans des rebondissements trop prévisibles et des storylines secondaires sans grand intérêt.

N’est pas Lost qui veut, et si je n’ai volontairement pas mentionné plus tôt dans cette note la spécialiste ès boucles temporelles, ce n’est que pour mieux vous renvoyer à présent vers un article extrêmement complet sur la question : « Comprendre les boucles temporelles » par Thomas Sinaeve, dans le cadre de la « Lost Week » organisée sur le blog de Pierre Sérisier, Le Monde des Séries, en janvier 2010.

Et pour ceux qui voudraient vraiment se préparer à un voyage dans le temps, le site Slate.fr propose quelques précieux conseils, dans un article intitulé « Le voyage dans le temps pour les nuls ».

L'homosexualité féminine dans les séries américaines

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Avant d’entrer dans le vif du sujet, et pour mieux cerner le propos de cette note, un petit détour du côté de la représentation de l’homosexualité masculine s’impose.

Si la question gay fit son apparition dans les séries américaines au cours des années 70, elle resta longtemps cantonnée au registre de la simple allusion, du sous-entendu plus ou moins appuyé. Ce fut le cas des Mystères de l’Ouest (Wild Wild West, 1965-1969), dans laquelle les tenues ultra-moulantes de James West, l’admiration du méchant docteur Loveless pour son corps musclé et le goût du travestissement chez Artemus Gordon ne manquèrent pas de semer le trouble – le créateur de la série, Michael Garrison, revendiquait d’ailleurs son homosexualité -. Les choses se précisent ensuite avec les fameux Starsky et Hutch (1975-1979), liés par une amitié aussi forte qu’ambigüe (le doublage français a malheureusement totalement évacué ces nombreuses allusions) ; l’épisode 52, Death in a different Place (Les jours se ressemblent) ira même, fait inédit, jusqu’à mentionner quasi explicitement la question de l’homosexualité : amenés à enquêter sur la mort d’un policier qui fréquentait toutes les nuits une boîte gay de la ville, les deux partenaires se posent des questions. Et dans les années 70, ça donne cela :

Hutch : «Starsky… Faut quand même s’interroger. Un homme qui passe 75 % de son temps avec un autre homme… Y aurait pas certaines tendances à… »

Starsk, would you consider that a man who spends 75% of his time with another man has certain…tendencies? » )

En mars 1979, Dallas frappe un grand coup lors de la diffusion de Royal Marriage (2.21), et introduit le premier personnage ouvertement gay de l’histoire des séries américaines. Kit Mainwaring, riche héritier homosexuel, voit ses fiançailles avec Lucy Ewing, la nièce de JR, annulées, et disparaît aussi vite qu’il était apparu. Personne n’est encore prêt à prendre le risque de faire figurer au casting un personnage homosexuel récurrent ; ce sera chose faite quelques années plus tard avec Dynasty (Dynastie, 1981-1989), qui institue parmi ses personnages principaux celui de Steven Carrington, le fils du patriarche autour duquel tourne l’ensemble du show, Blake. Mais présenter toutes les semaines un personnage gay n’est pas sans gêner les producteurs, qui seront plusieurs fois tentés de le pousser vers la bisexualité ou l’hétérosexualité, et ne cesseront de saccager toutes ses histoires d’amour masculines.

Du côté de l’homosexualité féminine, il faudra attendre les années 90 pour qu’une relation lesbienne soit introduite à l’écran, relation qui ne sera jamais toutefois ouvertement « consommée » : l’amitié indéfectible qui lie la très forte Xena (Xena, Warrior Princess, 1995-2001) à la douce Gabrielle gagnera au fil du temps en ambiguïté, et les scénaristes deviendront des experts dans le maniement des sous-entendus. Là encore, le doublage français se chargera d’évacuer toute allusion amoureuse ; Xena et Gabrielle ont néanmoins ouvert la voie à une plus grande visibilité de l’homosexualité féminine dans les séries.

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Le premier personnage récurrent ouvertement lesbien apparaît en 1997, dans une série qui passa globalement inaperçue : créée par Jason Katims (Roswell) et produite par Edward Zwick et Marshall Herskovitz (My So-Called Life, Once & Again), Relativity met en scène un jeune couple, Isabel et Leo, tombés amoureux l’un de l’autre lors d’un voyage à Rome. Rhonda, la soeur de Leo, est le premier personnage récurrent lesbien à être présenté comme tel dès le début d’une série. Relativity innovera une seconde fois en mettant en scène en janvier 1997, au cours de l’épisode The Day The Earth Moved, le tout premier baiser lesbien. Amoureux, sensuel et traité avec une grande simplicité, ce baiser provoquera néanmoins quelques remous chez les conservateurs.

Rien de comparable, toutefois, au lever de boucliers qui attendrait quelques mois plus tard Ellen DeGeneres. Actrice, comédienne, humoriste et animatrice de talk-show, Ellen DeGeneres fut également l’héroïne d’une sitcom, diffusée entre 1994 et 1998 sur ABC, et baptisée tout simplement Ellen. L’actrice, en couple avec Portia de Rossi, décide de frapper un grand coup en révélant publiquement, via le coming-out de son personnage dans la sitcom, sa propre homosexualité. Après des semaines de négociation avec Walt Disney et ABC, sa demande est acceptée ; mais une fuite révèle le projet à la presse, et le scandale éclate quelques mois avant la diffusion de l’épisode. Menaces de mort, demande de retrait de l’émission et de boycott de tous les produits Disney, alerte à la bombe au sein des studios lors de l’enregistrement de l’épisode, l’Amérique conservatrice se déchaîne et incite Ellen DeGeneres à faire son coming-out deux mois plus tôt dans le célèbre talk-show d’Oprah Winfrey, The Oprah Winfrey Show. Néanmoins, les producteurs tiennent bon et en avril 1997, le personnage d’Ellen évoque son homosexualité à sa psy, interprétée par… Oprah Winfrey. Une jolie mise en abyme, et l’un des meilleurs scores d’audience de la série – The Puppy Episode réunit environ 30 millions de téléspectateurs – ; la sitcom fut néanmoins annulée l’année suivante, davantage à cause du renoncement des producteurs que de la chute des audiences.

Si la volonté de coup médiatique, la célébrité d’Ellen DeGeneres et les différentes natures de publics touchés (« grand public » pour la sitcom, « public averti » pour le drama) expliquent assez aisément la démesure des réactions suite au coming-out d’Ellen par rapport au premier baiser lesbien, mis en scène cinq mois plus tôt dans Relativity, il n’en reste pas moins une question : pourquoi, alors que le premier personnage récurrent lesbien apparaît 15 ans après le premier personnage régulier gay, le premier baiser homosexuel sera néanmoins féminin ?

Il faudra en effet attendre le mois de mai 2000 pour voir deux hommes s’embrasser dans une série : c’est la pourtant très peu subversive Dawson’s Creek (1998-2003) qui en sera l’instigatrice, mettant en scène au cours de l’épisode True Love (3.23) le baiser échangé entre Jack et un personnage de passage. La WB, qui diffusait Dawson, avait par ailleurs trouvé le comédien idéal en la personne de Kerr Smith (l’interprète de Jack), puisque celui-ci exigea que son contrat n’autorise qu’un seul baiser homosexuel par saison… Quoiqu’il en soit, plusieurs éléments de réponse peuvent éclairer cette différence de traitement entre l’homosexualité masculine et féminine, bien qu’aucun n’aille dans le sens d’une plus grande tolérance envers les lesbiennes qu’envers les gays. Si explication il y a, elle est probablement davantage à chercher du côté d’une acceptation différente de l’homosexualité féminine, ou du moins de sa représentation : chargée de fantasmes masculins, niée par l’idée plus ou moins consciente – et totalement infondée - qu’il ne peut réellement y avoir de sexualité dès lors qu’il n’y a pas de pénétration, la question de l'’homosexualité féminine n’engendre pas les mêmes mécanismes de rejet que son pendant masculin. Il faudra néanmoins de longues années – et le chemin est loin d’être achevé – pour qu’une histoire d’amour entre deux femmes obtienne le même traitement qu’une histoire d’amour hétérosexuelle.

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Toujours sur la WB, c’est la série Buffy, The Vampire Slayer (Buffy contre les Vampires, 1997-2003) qui développa le lent coming-out de Willow, et sa très belle histoire d’amour avec le personnage de Tara : après leur rencontre au cours de l’épisode Hush en 1999 (3.21), la relation entre les deux femmes prend forme sans que rien, toutefois, ne soit explicitement montré ; il faudra attendre le formidable épisode The Body (5.16) pour qu’un premier baiser soit échangé. Le déménagement de Buffy sur la chaine UPN, à partir de la sixième saison, entraînera une plus grande liberté dans la représentation de leur homosexualité et, fait nouveau, un traitement identique à celui des autres couples hétérosexuels de la série.

Urgences (E.R, 1994-2009) s’intéressa à son tour à la question à travers le personnage de Kerry Weaver – après avoir très peu développé l’homosexualité de l’interne Maggie Doyle, en mettant davantage l’accent sur son féminisme et son indépendance - : tombée amoureuse d’une psychiatre, Kim Legaspi, après des années de relations hétérosexuelles, Kerry avoua difficilement son homosexualité à ses collègues et rencontra une deuxième femme, Sandy Lopez, dont elle eut un enfant par insémination artificielle. Mais malgré une certaine justesse de traitement, le personnage de Kerry fut rapidement cantonné à une représentation assez superficielle, son homosexualité étant globalement davantage prétexte à de grands revirements de situations qu’à une véritable réflexion. Il n’empêche que son personnage marqua les esprits, tout comme le fit, un peu plus tôt, celui d’Abby dans NYPD Blue, première série à mettre en scène un couple stable de lesbiennes désirant un enfant par insémination artificielle.

Malgré une visibilité accrue de l’homosexualité féminine, chaque série comptant désormais un personnage lesbien, qu’il soit récurrent ou se contente de faire une apparition, la représentation des amours féminines n’évolue guère : sur-représentées par des personnages d’adolescentes, comme si l’homosexualité ne pouvait être perçue que comme un moment d’égarement temporaire à une période donnée de la vie, bénéficiant très rarement d’un traitement identique à celui des couples hétérosexuels, les relations lesbiennes sont représentées la plupart du temps comme éphémères, un personnage principal s’amourachant pour quelques épisodes seulement d’un personnage de passage.

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La vraie révolution s’appelle The L Word, et débarque sur la chaîne câblée Showtime en 2004. Ancrée dans le milieu lesbien de Los Angeles, elle met en scène les aventures de Bette, Tina, Jenny, Marina, Alice, Dana et Shane et a ceci de nouveau qu’elle décrit ses personnages comme adultes, sûres de leurs choix et bien installées dans leurs vies. Confrontées aux mêmes questions que bon nombre de trentenaires, hétérosexuelles ou homosexuelles, les personnages de The L Word tentent de concilier leur vie privée et leur vie professionnelle, leur envie d’engagement et leur besoin d’indépendance, leur désir d’enfant et leurs angoisses existentielles. Certaines sont monogames (Bette et Tina) tandis que les autres sont volages (Shane), certaines s’assument jusqu’au bout des ongles tandis que d’autres n’ont pas encore fait leur coming-out (Dana) : The L Word a pour ambition de représenter les lesbiennes dans leur diversité, et de sortir des carcans et des préjugés habituellement véhiculés par les séries.

Une volonté de diversité pourtant souvent critiquée : en choisissant de ne représenter que des personnages de « lipsticks » - un terme créé à San Francisco dans les années 90 par la journaliste Priscilla Rhoades, et désignant des lesbiennes ultra-féminines – au détriment des personnages de « butches », à l’allure plus masculine, The L Word n’offrirait finalement qu’une seule vision de l’homosexualité féminine. Certains vont plus loin, en affirmant que la série contribue à nourrir certains stéréotypes, notamment celui de la lesbienne très bien placée socialement, exerçant un boulot à responsabilités et grassement rémunéré ; d’autres affirment qu’elle pèche par excès en multipliant les scènes de sexe qui, si elles ont pour but de démontrer que deux femmes peuvent avoir une sexualité épanouie, standardisent quelque peu les rapports et lorgnent du côté du voyeurisme.

La première saison de The L Word fera l’objet d’un prochain billet, mais il est d’ores et déjà possible d’avancer que, si elle n’est pas exempte de défauts et de travers, la série de Ilene Chaiken a toutefois le mérite de renforcer la visibilité de l’homosexualité féminine dans les séries. Nul doute qu’elle ouvrira la voie, à son tour, à de nouvelles représentations.

Un grand merci à mon informatrice qui, je n’en doute pas, saura se reconnaître.

Erratum : Le premier baiser lesbien n’a pas eu lieu dans Relativity, mais dans l’épisode “He’s a crowd” de la série L.A. Law (La Loi de Los Angeles), en février 1991. Merci à Styx 63 pour cette rectification.

L'héritage des séries : ces épisodes que l'on n'oublie

Nous avons tous en tête une poignée d’épisodes qui sortent du lot, et se distinguent des autres par leur originalité, leur audace, leur humour ou leur intensité. Nécessairement subjective et restreinte, la liste qui suit n’en contient que cinq. Et vous, quel est votre quinté gagnant ?

Six Feet Under : That’s My Dog (4.05)

six-feet-under.1286992407.jpgEcrit par Scott Buck et réalisé par Alan Poul, That’s My Dog est de ces épisodes que l’on peut facilement isoler au sein d’une série, un OVNI qui s’offre la liberté de mettre de côté toutes les autres storylines du récit, et duquel dépend néanmoins l’ensemble de la saison. Fragilisé par le départ momentané de Keith – parti offrir ses services de garde du corps à une chanteuse capricieuse et décérébrée, Celeste -, David commet l’erreur de sa vie en prenant un auto-stoppeur à priori aussi inoffensif que sexy. Mais le fantasme va rapidement tourner au cauchemar, et le sort, l’auto-stoppeur et les scénaristes s’acharneront sur David jusqu’à la fin de l’épisode : pris en otage et ligoté au fond du véhicule - préalablement vidé du corps qu’il transportait au beau milieu de la route -, défoncé au crack qu’il a sniffé sous la contrainte, trimballé dans une ruelle sordide, aspergé d’essence, menacé de mort et roué de coups, un canon de flingue dans la bouche, David échappe de peu au pire et mettra des semaines à se relever de cette agression.

Si l’épisode dérange autant, c’est en grande partie à cause de la personnalité du ravisseur, Jake, personnage remarquablement interprété et écrit, qui souffle sans cesse le chaud et le froid avec une incroyable perversité. « Nous avons essayé d’écrire quelque chose qui sonne juste, par rapport à la psychologie de David, qui fuit généralement toute forme de conflit et reste persuadé que l’être humain est rationnel. Certes, il y a des moments au cours de cet épisode où David, s’il était hardi, courageux et vif d’esprit, aurait pu s’échapper. Mais combien d’entre nous seraient hardis, courageux et vifs d’esprit dans ce genre de circonstances ? » déclare Alan Poul, le réalisateur de That’s My Dog. Et c’est bien ce refus de la facilité qui fait tout l‘intérêt de l’épisode : David n’est ni un héros ni un être sans défense, et son ravisseur n’est pas davantage un bloc bien homogène de brutalité et de cruauté. Probablement l’épisode le plus violent de la série, et sans conteste l’un des plus réussis.

Urgences : On the Beach (8.21)

urgences.1286992420.jpegL’épisode qui ferait pleurer un caillou, tirant des ficelles suffisamment grosses pour qu’elles fonctionnent encore des années plus tard. On the Beach met en scène la (lente) mort de Mark Greene, atteint d’une tumeur au cerveau, entouré de sa femme Elizabeth et de ses deux filles, Ella et Rachel. L’heure du bilan, donc, au cours de ce dernier voyage à Hawai sur les terres de son enfance ; l’heure de la transmission et de l’héritage, dans une ultime tentative de rapprochement avec Rachel, adolescente butée et totalement fermée à ce père qui a trop souvent déserté sa vie pour son boulot. La rage de Rachel donne toute sa saveur à cet épisode un brin convenu mais franchement émouvant, et leur réconciliation de dernière minute vient enfin apporter la paix à celui que l’on côtoyait depuis près de huit ans.

Impossible, lorsque s’envolent les premières notes de Somewhere Over the Rainbow, ici reprise par Israel Kamakawiwo’Ole, de ne pas se laisser aller à l’émotion. Mark Greene s’en est allé, emportant avec lui huit années d’une série qui en dura quinze et nous accompagna, pour beaucoup, de l’adolescence à l’âge adulte.

Breaking Bad : One Minute (3.07)

breaking-bad.1286992351.jpgDifficile de ne retenir qu’un épisode parmi les trois premières saisons de Breaking Bad. Mon choix aurait aussi bien pu se porter sur Peekaboo (2.06) ou Fly (3.10), deux épisodes « pivots », audacieux et brillants. Mais c’est One Minute qui tient le haut du pavé : tiré au cordeau, sous tension du début à la fin, remarquablement interprété, One Minute est une immense claque après un début de saison relativement calme. L’épisode s’ouvre sur un flashback aussi court qu’éprouvant, dans lequel deux petits garçons – on comprend rapidement qu’il s’agit des cousins Marco et Leonel, les deux redoutables trafiquants -, hauts comme trois pommes, jouent sous le regard inexpressif de leur oncle ; lequel n’hésitera pas une seconde, à la première chamaillerie, à maintenir la tête d’un des gamins sous l’eau, ne laissant à l’autre qu’une minute pour décider de son sort.

Le ton est donné, et la scène suivante ne nous apportera aucun répit : après des semaines de tension nerveuse et de mal-être, Hank, marqué par le meurtre de Tuco, traumatisé par l’attentat d’El Paso, laisse enfin exploser sa colère. Et c’est sur Jesse qu’elle s’abat, manquant de le tuer et l’envoyant une fois de plus à l’hôpital, où se déroule la troisième scène marquante de l’épisode – entamé depuis seulement 15 minutes - : c’est le visage meurtri, déformé par les coups et la rage, que Jesse crache au visage de Walter toute sa colère, sa détresse et sa frustration ; fatigué de n’obtenir aucune reconnaissance, furieux de n’être qu’un pantin entre les mains de son ancien professeur, Jesse nous livre à l’état brut un monologue déchirant, qui confirme une fois de plus le talent de son interprète, Aaron Paul.

Le final sera à la hauteur de ce début d’épisode explosif, et le piège des cousins, orchestré par l’étrange Gus, se referme progressivement sur Hank. Prévenu in extremis par un coup de fil anonyme, Hank n’aura, à son tour, qu’une minute pour décider de son propre sort : sauver sa peau ou renoncer ? Fuir ou affronter le danger ? One Minute donc, une minute seulement avant la mort : c’est sur cette poignée de secondes décisives que s’ouvre et se clôt l’un des meilleurs épisodes – à ce jour – de Breaking Bad.

Rencontre avec Clyde Phillips, ex showrunner de Dexter

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Showrunner de Dexter pendant les quatre premières saisons, Clyde Phillips est également le créateur de la série Parker Lewis (Parker Lewis Can’t Lose) diffusée entre 1990 et 1993 sur la Fox. Bob Greenblatt, président de Showtime, était à cette époque cadre au sein de la Fox. Une rencontre qui portera ses fruits une dizaine d’années plus tard, et qui vaudra en partie à Clyde Phillips son rôle central sur Dexter. Présente lors de sa venue à Paris en janvier dernier, à l’occasion de la première édition du festival Séries Mania organisé par le Forum des Images, je n’avais pas encore pris le temps de retranscrire cette rencontre. L’occasion (la diffusion de la cinquième saison de Dexter) faisant le larron, en voici aujourd’hui une synthèse.

Les origines

dexter2.1286743929.jpgC.P : « Dexter est l’adaptation d’un roman, Ce cher Dexter, de Jeff Lindsay. Une de mes collègues, Sarah Colleton, a trouvé ce livre dans une petite librairie de Greenwich Village, à New York. Elle l’a lu et l’a donné à son collaborateur, John Goldwin, puis ils l’ont apporté tous les deux au président de Showtime, Bob Greenblatt. Showtime était à la recherche d’un programme susceptible de concurrencer Les Soprano, sur HBO. Ils cherchaient un programme dans lequel il y ait à la fois du danger, de l’émotion et de l’authenticité.

Ils ont tourné le pilote et ont réalisé qu’ils allaient avoir besoin d’un showrunner, qui est quelqu’un qui fait un peu tout : il fait tourner le programme, rassemble tout le monde, fait arriver le train à l’heure, engage les scénaristes, les réalisateurs, les producteurs… Il choisit tout. Il dirige aussi l’équipe d’écriture. Ils m’ont envoyé une vidéo – j’habite dans le Connecticut -, j’ai regardé le DVD et je me suis demandé pendant une journée si c’était là que je voulais aller, émotionnellement parlant, si c’était un projet dans lequel je voulais m’engager. Un ami scénariste, qui vit aussi dans le Connecticut, est venu me voir et j’ai revu le pilote avec lui. Il m’a dit en gros : « Putain, tu dois le faire ! »

Le travail du showrunner

clyde-phillips1.1286743918.jpgC.P : « Il y a environ 200 personnes qui travaillent sur la série, et sûrement d’autres encore dont je n’ai pas connaissance, il y a par exemple des gens qui s’occupent de laver les costumes à minuit pour qu’ils soient prêts à 5h du matin le lendemain, mais ces personnes sont embauchées par les costumiers, pas par moi. Mais il y a environ 200 personnes directement ou indirectement embauchées par moi-même : ça inclut les cameramen, les accessoiristes, les scénaristes, les assistants… De fin février à fin mai, on commence à écrire, et en juin on commence à tourner. Ma journée est tout d’un coup entièrement occupée par l’écriture : je suis là avant tout le monde – j’arrive à 6h du matin alors que l’immeuble ne se réveille jamais vraiment avant 10h -, j’ai donc quatre heures pour l’écriture ou la réécriture, pour lire le script de quelqu’un, etc.

Mais l’autre partie de ma journée est réservée à ce qui se passe quand je sors de mon bureau, quand il y a une queue de personnes qui attendent pour me poser une question : quelqu’un me tend son ordinateur portable en me demandant ce que je pense de tel ou tel effet spécial, une autre personne me met un écouteur dans l’oreille pour avoir mon avis sur un morceau de musique, un autre encore me montre une série de photographie de camions en me demandant lequel je choisirais, etc… Ça continue comme ça tout le long de ma route jusqu’aux séances de casting, où l’on reste pendant des heures et des heures, et dont on ne sort que pour recevoir un coup de fil ou répondre à une question urgente d’un membre de l’équipe qui va tourner dans la journée. Mais la partie la plus importante de mon boulot, à mes yeux, c’est que les centaines de personnes qui travaillent pour moi s’amusent, prennent du plaisir et soient contents de venir bosser le matin. C’est ce à quoi je consacre le plus d’énergie, parce que si je réussis ça, alors la série sera réussie. D’autres showrunners vous diront que la partie la plus difficile est de traiter avec les chaînes, ce qui n’a pas été le cas avec Showtime, qui a été magnifique.

Ecrire la série en revanche, est extrêmement difficile : trouver une seule voix parmi la cacophonie des voix, obtenir un consensus autour de cette voix, est tout aussi dur que nécessaire. Il y a en permanence huit scénaristes, dont moi. En règle générale, on change un scénariste par an, parce qu’il y a toujours une personne qui ne fonctionne pas sur la durée. La partie la plus difficile de mon travail est de dire à quelqu’un qu’il ne peut pas revenir travailler sur la série. C’est très dur, mais je m’en occupe toujours personnellement. C’est un métier difficile à apprendre, scénariste. Au final, vous faites forcément des erreurs, mais jamais deux fois les mêmes, et vous finissez par apprendre. D’une manière générale, si on doit choisir entre le réalisme et l’effet dramatique, on choisit toujours ce qui va fonctionner, on privilégie l’aspect dramatique ; on ne fait pas un documentaire. Quand on réalise la série, le principe est de toujours tout faire pour que le résultat soit mieux que sur le papier. Si quelqu’un dit : « Si on fait ça, on est foutu » : très bien, alors faisons-le… C’est comme ça qu’on travaille au niveau du scénario, parce que si on ne le fait pas, on n’est plus qu’une série comme une autre. »

Le personnage de Dexter

dexter3.1286744037.jpgC.P : « On pouvait faire – d’autres ont essayé – une série sur un serial killer traité de manière extérieure, à la troisième personne. Notre serial killer est traité à la première personne : on entre à l’intérieur de Dexter. Qui a plus de secrets, de solitude et de blessures, et en même temps aussi peu de personnes à qui parler dans le monde, selon moi en tout cas, qu’un serial killer ? Notre serial killer a une seule personne à qui se confier : c’est vous. Par le biais de la voix off, il parle de ses souffrances, de ses faiblesses, et ça crée une intimité avec le public, intimité qu’on ne pourrait pas obtenir autrement, en tentant de la livrer toute prête dans une série sur un serial killer. Là, ça crée un lien authentique, et vous devenez son confident. Tout d’un coup, vous regardez une série sur un serial killer, et vous vous intéressez à lui, vous vous identifiez à lui et vous voulez qu’il réussisse, qu’il ne se fasse pas prendre.

Dexter est à la fois un anti-héros, un héros et un super-héros ; il est comme Batman : sa personnalité a été forgée par la mort de ses parents, la paternité est une question très importante pour lui, il sort pour combattre le crime… Mais à la différence de Batman et, je l’espère, des personnes ici présentes, il piège les gens pour les jeter ensuite au fond de l’océan, ce qui n’est pas vraiment héroïque et même franchement répréhensible. Ce qui le rend également attachant pour le public est le fait qu’il veuille être normal. Il veut faire partie de la vie qu’il observe autour de lui, et dans les flashbacks de la première saison on voit qu’il essaie de s’attacher à d’autres personnages. Il travaille dans un lieu public, ce n’est pas un serial killer enfermé dans une bibliothèque jour et nuit.

Une des choses que l’on a dû décider au moment de l’écriture, c’est que Dexter ne peut pas devenir totalement humain. Parce que s’il devenait totalement humain, la douleur provoquée par ses actes deviendrait insoutenable pour lui, ça le submergerait et il s’écroulerait ou imploserait. Les vrais serial killers ne sont pas totalement humains, ce sont des psychopathes et des sociopathes. Il est évident que Dexter est un sociopathe : il tue des gens. On ne peut pas le nier. Mais comme il devient de plus en plus humain, la ligne sur laquelle il évolue devient de plus en plus complexe et difficile. »

Michael C. Hall

dexter4.1286744078.jpgC.P : « Je dois dire avant tout que la première raison du succès de la série est la présence de Michael C. Hall, qui incarne Dexter, qui vit et respire Dexter et qui termine chaque saison presque aussi fou que lui. Michael C. Hall est un acteur incroyable, qui a une formation classique et est aussi chanteur et danseur : il a joué le rôle principal à Broadway dans la reprise de Cabaret. Il a joué le rôle que Joel Grey tenait dans le film. Il a donc une très belle voix, qu’il entraîne, c’est un danseur, dont il est très gracieux lorsqu’il se déplace, il est d’ailleurs très gracieux même lorsqu’il s’engueule avec sa copine ou tue quelqu’un. Il est aussi très fort et très beau.

Mais il est surtout très intelligent et je pense que c’est ça le plus important. Quand vous regardez cet acteur, à la différence d’autres acteurs, vous savez qu’il comprend ce qu’il dit, vous sentez qu’il est investi dans ce qu’il fait. Nous en plaisantons tout le temps, mais nous faisons presque la même taille, et nous recevons ces guest-stars comme Jimmy Smits [dans le rôle de Miguel Prado] qui mesure 1,92 m ou John Lithgow [alias Arthur Mitchell, le redoutable Trinity Killer], qui mesure 1,94 m. Nous avons eu des plans difficiles à faire, où Jimmy Smits ou John Lithgow devaient carrément se pencher sur le rebord d’une chaise pour pouvoir donner la réplique à Michael C. Hall, mais il a commencé à utiliser ça à son avantage ; c’est un acteur si intelligent qu’il parvenait à renverser la situation pour les acculer. Quelle que soit la scène, Michael aura toujours le dessus sur son interlocuteur. »

Les choix esthétiques

dexter-esth.1286744126.jpgC.P : « L’esthétique de la série a été établie dans le pilote par son réalisateur Michael Cuesta, qui est un réalisateur reconnu aux Etats-Unis. Nous avons tous adopté cette esthétique. Nous ne voulions pas faire une série violente et gore. Je ne sais pas combien dans cette salle, la plupart d’entre vous probablement, ont vu Reservoir Dogs, le film de Quentin Tarantino ; pensez à cette scène durant laquelle une oreille est découpée : cette scène n’est jamais explicitement montrée dans le film, on l’entend, on voit le méchant, mais on ne le voit pas découper l’oreille. Et pourtant, tout le monde pense l’avoir vu. C’est ce qu’on a fait avec Dexter. On a toujours cherché de nouvelles manières de tuer un personnage. On ne voulait pas faire du Grand Guignol, on voulait que ce soit de bon goût et que ça s’intègre dans le langage de la série. On a fait très attention à ça. A chaque meurtre de Dexter, on réfléchit précisément à ce que ça va donner, à ce que ce soit différent du précédent meurtre, jusqu’à quel point on va montrer les choses, et on tourne tout, pour avoir le choix par la suite. Et c’est seulement au montage que nous décidons de jusqu’où on peut aller. Parfois on va un peu plus loin, lorsqu’on déteste vraiment la victime…

Depuis son bureau, Dexter peut voir tout le monde, il voit tout et à tout moment, ce qui signifie également que tout le monde peut voir Dexter à n’importe quel moment. C’est un peu comme être dans un bocal, pour un homme qui veut rester secret. Quand on filme un meurtre, la lumière change complètement, au lieu d’éclairer par dessus, on éclaire par dessous : la lumière brille sur Dexter et on baisse la caméra. C’est la prise de vue classique du héros, la « prise de vue John Huston » - mais je suis sûr qu’un réalisateur français l’a fait avant John Huston - ; rien que la sensation de moiteur dans la pièce est particulière, en général on n’asperge pas les acteurs d’eau, sauf lors des séquences de meurtre. La victime est éclairée du dessus, pour qu’elle paraisse vulnérable. Elle est cadrée en plongée et de loin, quelle que soit sa taille. Dexter est cadré en contre-plongée et de près, parce que c’est « son moment ». Il l’appelle lui-même « le monstre qui est en lui », il dit de lui-même qu’il est un monstre très propre sur lui, et à ce moment le monstre émerge et grossit de plus en plus. On a également mis en opposition l’appartement très épuré de Dexter et l’intérieur très coloré de Rita.

En ce qui concerne la musique, nous avons travaillé très dur dessus. Le générique d’ouverture a été écrit par Rolfe Kent, un compositeur anglais qui travaille aux Etats-Unis et qui a écrit la musique de Election, Matador, et de beaucoup d’autres films. Nous avons écrit tout le générique ; il y a un moment, vers la fin, où Dexter enfile un T-shirt, pendant lequel nous avons arrêté numériquement l’image, donc pendant un moment son T-Shirt blanc reste plaqué sur son visage : pendant un moment seulement, ça devient un masque mortuaire. Et juste après, c’est de nouveau Dexter Morgan. »

Le départ de Clyde Phillips et l’avenir de Dexter

dexter5.1286744101.jpgC.P : « J’ai quitté la série parce que je vis dans le Connecticut avec ma femme et ma fille de 13 ans, et je tournais en Californie. J’étais en Californie neuf mois par an. J’ai donc raté la neuvième, dixième, onzième et douzième année de ma fille, j’ai raté quatre anniversaires de ma femme, quatre anniversaires de mariage et quatre de mes anniversaires. Je suis parti là-bas et soudain j’ai vécu de nouveau comme le célibataire que j’étais il y a trente ans, travaillant pour avoir un niveau de vie dont je ne profitais même pas. Je ne pouvais pas être proche de ma famille, j’avais l’impression de ne pas vivre ma propre vie, même si c’était le meilleur job du monde.

J’ai toujours imaginé qu’à la fin de la série, Dexter se ferait prendre. Certains l’imaginent s’enfuir au loin sur fond de soleil couchant, quoiqu’il en soit, c’était nos discussions dans la salle d’écriture, et on pouvait en parler pendant des semaines. La Floride applique la peine de mort, et je vois – ce n’est que mon point de vue, ce que je vais dire va m’apporter plein de problèmes -, je vois Dexter sur la table d’injection. Et l’image n’est pas très éloignée de celle de ses victimes sur sa table d’exécution à lui. Peut-être que tout ce à quoi nous avons assisté pendant plusieurs années va lui revenir à l’esprit pendant qu’on l’exécute. Je pense que ce serait une image très puissante. Mais c’est ce que je dis moi, et que d’autres considéreront comme la chose la plus stupide jamais entendue, ou peut-être se diront-ils au contraire que c’est une idée géniale et qu’il faut l’essayer. Concernant la peine de mort, qui est très controversée aux Etats-Unis, nous avons reçu beaucoup de réactions à ce sujet. Mais la série ne parle pas de ça. Toutefois, la majorité des scénaristes de Dexter sont opposés à la peine de mort. Au Texas, une personne est exécutée toutes les deux semaines. Des jeunes de 14 ans se retrouvent condamnés à mort. Peut-on vraiment affirmer que c’est une bonne chose ?

J’espère que la série va durer de nombreuses années encore, mais si elle ne s’arrête pas à temps, il y a fatalement un moment où elle finira par devenir mauvaise. C’est pour ça qu’on ne doit pas aller au-delà de douze épisodes par an. »