Créée par le virtuose David Simon (The Wire, Generation Kill, Homicide) en 2009, Treme, la nouvelle série phare made in HBO, était attendue avec une grande impatience. Après nous avoir immergé cinq saisons durant dans le Baltimore de The Wire, c’est à la Nouvelle-Orléans que Simon nous a cette fois-ci filé rencart. Trois mois après le passage dévastateur de l’ouragan Katrina, Treme nous embarque à la rencontre d’un groupe de musiciens tentant de reconstruire leurs vies dans une ville anéantie.
Antoine Batiste – interprété par Wendell Pierce, (ex-Buck dans The Wire) -, est un tromboniste fauché qui écume les concerts pour subvenir aux besoins de sa famille. Davis McAlary (Steve Zahn), DJ dans une radio indépendante de jazz, parle beaucoup, rêve de célébrité et joue finalement assez peu. Jeanette Desautel (Kim Dickens, découverte dans Deadwood) tente de remettre sur pied son restaurant malgré les difficultés d’approvisionnement et les délais de remboursement de l’assurance. Albert Lambreaux (Clarke Peters, ex-Lester dans The Wire), chef d’un groupe de Mardi Gras Indians (parade traditionnelle de la ville au moment du Carnaval) revient s’installer chez lui, tandis que son fils Delmond - Rob Brown- musicien professionnel émigré, tente de l’en dissuader. LaDonna Batiste-Williams (Khandi Alexander) -, ex-femme d’Antoine Batiste, élève leurs deux enfants avec son nouveau mari et tente de retrouver son frère, disparu depuis l’ouragan. Elle est aidée par Toni Bernette (Melissa Leo), avocate acharnée qui se consacre à retrouver les disparus et à attaquer en justice les responsables du désastre. Son mari, Creighton (interprété par John Goodman, acteur fétiche des frères Coen) est professeur, grande gueule et, par la force des choses, porte-parole de la cause auprès des médias.
Une telle galerie de personnages fait de Treme un véritable « ensemble show », une série chorale - mettant en scène non pas un personnage central mais un groupe entier – de la trempe de Hill Street Blues, qui fut une des premières séries à oser cette construction dans les années 80 (Urgences a depuis, beaucoup contribué à nous y familiariser). Des personnages comme autant de figures de la survie, puisque c’est clairement du côté de la renaissance qu’il faut chercher l’essence de Treme : la scène d’ouverture de la fanfare-jazz le résume avec brio, captant ce qu’il faut de fragilité et d’énergie pour prendre le pouls d’une ville détruite, mais pas abattue. C’est la musique qui permet à la Nouvelle-Orléans de tenir debout ; c’est la musique qui est au coeur de Treme, seul personnage central de la série.
David Simon s’attaquait à la question de la criminalité dans The Wire, mettant en cause un Etat et des institutions démissionnaires. Il persiste et signe avec Treme, mettant en lumière le délaissement des habitants de la Nouvelle-Orléans, une des villes les plus pauvres des Etats-Unis. Histoire de nous rappeler que les experts réclamaient depuis des années un renforcement des digues protégeant la ville. Que Bush Jr, informé de la catastrophe, ne jugea pour autant pas nécessaire d’interrompre ses vacances, ignorant les appels à l’aide du gouverneur et du maire de la Nouvelle-Orléans. Que les journalistes étrangers furent sur les lieux avant les services de secours officiels. Et que lorsque les autorités se décidèrent enfin à réagir, les habitants comptaient leurs morts depuis déjà quatre jours. “It’s not a natural desaster, it’s a man made catastrophe”, ne cesse de clamer Craighton Bernette devant les caméras.
Rien n’a été laissé au hasard dans l’élaboration de Treme, David Simon n’ayant pas hésité à s’entourer d’auteurs locaux, possédant une grande connaissance de la Nouvelle-Orléans ; David Mills, producteur exécutif et scénariste très important de la série - décédé d’une rupure d’anévrisme quelques jours seulement avant la diffusion du premier épisode -, était considéré comme un grand mélomane, et travaillait en collaboration avec Blake Leyh, le superviseur musical de la série. Par ailleurs, une grande partie de l’équipe avait précédemment travaillé sur The Wire. Un gage de qualité, indéniablement, et cette même odeur de réel qui traverse l’écran et donne à penser.
“Do you know what it means to miss New Orleans”, chantait Louis Armstrong. J’ai comme l’impression que nous n’allons pas tarder à le savoir.
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