samedi 6 novembre 2010

Breaking Bad : One Minute (3.07)

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Cet article évoque des éléments des trois premières saisons.

Les scénaristes de Breaking Bad sont-ils vraiment humains ? Depuis le début de la série, nous les attendons au tournant, persuadés qu’ils vont un jour faire un faux pas, faiblir, s’essoufler, renoncer. Que cette fois-ci, c’est certain, la troisième saison sera moins bonne. Que la folie de Breaking Bad va se diluer dans le temps. Et comme toujours, alors que l’on pensait être sur le point de triompher, alors qu’une certaine baisse de régime se profilait à l’horizon, voilà que l’on reçoit en pleine poire ce que l’on méritait : une immense claque.

Il aurait pourtant suffi de tendre l’oreille, en ce début de troisième saison, pour reconnaître dans l’écoulement presque paisible des premiers épisodes le bruit de l’eau qui dort. Méfiance, donc, car derrière ce calme trompeur se mettaient en place les rouages de l’explosif “One Minute” : à l’image d’un Hank que l’on devinait chaque jour davantage sous pression, marqué par le meurtre de Tuco, abimé par l’attentat d’El Paso, à l’image de la relation silencieuse et pourtant pleine de rage de Walter et Skyler, l’orage grondait depuis le début de la saison. Et c’est d’abord sur Jesse qu’il explose, sous les coups longtemps retenus d’un Hank plus terrorisé que furieux.

Car c’est bien la peur qui lui tord le ventre depuis son affrontement avec Tuco, duel dont il a tout de même failli ne pas sortir vivant ; c’est la peur qui lui a coupé le souffle dans l’ascenseur, bien avant les événements d’El Paso, et l’a conduit à passer une journée entière enfermé dans son garage à remplir des bouteilles de bière ; c’est la peur qui l’a fait se lever en pleine nuit, arme au poing, paniqué par un bruit qui n’était en réalité que celui des bouteilles de bière en train de se déboucher ; c’est la peur, enfin, qui l’a amené à refuser le retour à El Paso, s’exposant sans le savoir à un danger beaucoup plus grand : la vengeance des cousins Marco et Leonel.

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De son côté, Walter s’enlise chaque jour davantage dans sa propre folie, franchissant et refranchissant la ligne de l’acceptable et du compréhensible, cédant toujours plus de terrain à ses propres démons. Le petit prof inoffensif des débuts fait maintenant froid dans le dos, capable d’une dureté et d’une froideur déstabilisantes ; il y a bien longtemps que la satisfaction personnelle a largement supplanté la nécessité de subvenir aux besoins de sa famille, et lorsqu’il accepte l’offre alléchante de Gus et son argument financier – « a man provides », dans tous les sens du terme d’ailleurs -, tous deux savent pertinemment qu’il ne s’agit en réalité que d’un vague prétexte.

C’est à lui seul que pense Walt lorsqu’il découvre son nouveau laboratoire, à sa soif de reconnaissance qu’il avait depuis longtemps remisée au placard – sans que l’on ne connaisse précisément les raisons qui l’ont poussé à faire carrière dans l’enseignement -, à son amour de la chimie et de la science, à son besoin d’évoluer dans un milieu qu’il maîtrise, régi par des règles qui ne laissent aucune place au hasard. En lui crachant au visage sa colère, sa détresse et sa frustration, Jesse le ramène brutalement à la vie ; un retour salutaire mais de courte durée, puisqu’il est permis de douter des motivations de Walt lorsqu’il propose à Jesse de s’associer de nouveau à lui : quel meilleur moyen, en effet, de le bâillonner, que de le convaincre de travailler à ses côtés ? Walter calcule, soupèse, évalue, mesure, dirigeant sa vie comme il manipule la chimie, ignorant ce qui, pourtant, le fait inévitablement chuter : la part de hasard, le petit pourcentage d’imprévu. La liberté de l’autre.

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« Une minute », donc, une minute seulement avant la mort : c’est sur ce temps infime, suspendu, et traversé par une infinité de choix que s’ouvre et se clôt l’épisode. Une minute pour sauver son cousin, dont on venait pourtant de souhaiter la mort ; une minute pour sauver sa peau, dans laquelle on se sentait pourtant si mal. C’est le souffle coupé que nous attendons de voir quel choix fera le petit garçon, et c’est aussi le souffle coupé, davantage encore que dans les cinq minutes qui suivront, que nous brûlons de voir Hank prendre une décision pour échapper à la mort annoncée. Un personnage qui prend seulement ici toute son ampleur – c’est une fois de plus tout le talent des scénaristes d’avoir su garder en réserve son caractère profond -, dont on n’avait jusqu’ici qu’entraperçu les failles. A l’image de cette excellente scène de l’ascenseur, qu’il prend avec sa femme Marie, digne et figé à ses côtés lorsque les portes sont ouvertes, effondré dans ses bras lorsqu’elles se referment. Car finalement c’est un peu ça, Breaking Bad : débusquer ce qui se planque derrière les murs, les portes et les masques. Pour tenter de comprendre.

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