samedi 6 novembre 2010

Big Love (saison 2) : les choses se compliquent

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Si vous n’avez pas vu l’intégralité de la saison 1, il pourrait être judicieux de ne pas lire ce qui suit…

Nous avions laissé Bill Henrickson et ses trois épouses, à la fin de la première saison, au seuil d’une remise en question que l’on pressentait sans trop y croire. Barbara, première et seule épouse de Bill pendant plusieurs années, voyait dans le concours de «Mère de l’année » l’occasion de tisser de nouveaux liens avec le monde extérieur ; sa disqualification publique pour polygamie la renvoya brutalement à ses propres choix de vie, et c’est en plein bouleversement que la retrouvons au début de la deuxième saison. Un bouleversement qui va rapidement atteindre les autres membres de la famille, tout ce petit monde étant bien entendu très étroitement lié : de Nicki, bien plus fragile qu’il n’y paraît et terrorisée à l’idée de perdre son foyer, à Margene, qui souffre de plus en plus d’avoir à se présenter comme une mère célibataire, en passant par les enfants adolescents de Bill et Barb, Sarah et Ben, tous semblent trimballer en silence le poids de la frustration, de la colère et des non-dits. Et c’est non sans un certain soulagement que l’on voit progressivement voler en éclats l’image quasi-idyllique, présentée pendant la première saison, de la famille polygame moderne.

C’est ainsi que l’on en apprend davantage sur les motivations de chacune des épouses, sur les raisons qui les ont amenées à accepter ce mode de vie : si Margene semble avoir eu une vie sexuelle et affective plutôt intense avant son mariage, dont le principal attrait était visiblement pour elle, au-delà de la personne de Bill, l’amour que pouvait lui offrir une famille entière, il n’en va clairement pas de même pour Nicki, élevée au sein d’une communauté mormone fondamentaliste. Les mots échangés à ce propos entre Barb et elle parlent d’eux mêmes, et méritaient d’être retranscrits:

Nicki : « Barb, je ne me suis pas mariée par amour, je me suis mariée pour le principe. »

Barb : « Pas moi. J’ai essayé. Je ne pense pas avoir fait un engagement de principe. »

Nicki : « Ça me fait peur. Je ne crois pas qu’un mariage basé sur l’amour puisse durer. L’institution sacrée et divine du mariage… Sans ça, ce ne sont que des relations sans but ou sans résolution. Comment surmonter les épreuves rien qu’avec de l’amour ? »

Quant à Barb, la disqualification au concours de « Mère de l’année » semble n’être que l’étincelle qui a mis le feu aux poudres, l’occasion de rappeler à Bill qu’elle n’a accepté la polygamie que parce qu’elle refusait de le perdre lui, et que sa colère et sa souffrance n’ont, des années après, toujours pas disparu. C’est d’ailleurs de manière très résignée qu’elle lui explique que, bien qu’ils soient aujourd’hui toujours liés par un profond engagement, leur premier mariage est bel et bien fini.

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Les membres de la famille Henrickson gagnent donc en densité et en profondeur ; à ce titre, les deux adolescents que sont Ben et Sarah font l’objet d’une attention toute particulière au cours de cette deuxième saison, et leurs premiers émois amoureux sont bien évidemment traversés par la question de la polygamie. Opposition catégorique et néanmoins douloureuse pour Sarah, adhésion extrême et énorme mal-être pour Ben, leurs positions respectives sont une manière habile d’introduire la possibilité d’un regard critique, d’entamer une réflexion sur la question. Là où la première saison se contentait d’introduire le contexte et les personnages, demeurant dans un registre descriptif assez déroutant pour un thème sujet à une telle polémique, la seconde met dans la balance plusieurs regards sur la polygamie. A commencer par le nôtre, que les scénaristes nous renvoient astucieusement à travers le jugement de la société sur le mode de vie des Henrickson : organisateurs du concours, voisins, famille, tous ont un avis très tranché et extrêmement moralisateur sur le choix de vie de Bill et de ses trois épouses. Mais qu’en est-il réellement des principaux intéressés ? C’est la piste que la seconde saison de Big Love nous propose de suivre, et elle s’annonce infiniment plus intéressante que ce que la première saison laissait pressentir.

Le personnage de Bill semble également vaciller sur ses bases, remis en cause dans ses principes et son éthique par Barb, bousculé par sa fille Sarah qui affirme ne pas voir la différence entre « l’enceinte » (la communauté de Juniper Creek) et eux, sermonné par un flic qui lui rappelle très justement qu’« on ne peut pas tout faire au nom de Dieu et rendre ça moral ». Et Bill a beau s’évertuer à préciser à qui veut bien l’entendre : « je suis le gentil », ses méthodes et ses arnaques à la petite semaine ne diffèrent guère de celles du « prophète » Roman et de sa clique. Reste à savoir si un personnage vivant avec trois femmes, et lorgnant sur une quatrième, peut vaillamment assener que « le mariage n’est pas une démocratie » et gagner néanmoins en capital sympathie au cours des saisons. Pour ma part, rien n’est moins sûr…

Quoiqu’il en soit, avec un scénario bien mieux ficelé et un propos plus nuancé, la deuxième saison de Big Love gagne en complexité ce que la première offrait en légèreté.

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