samedi 6 novembre 2010

Pigalle, la nuit

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Créée par Hervé Hadmar et Marc Herpoux, qui avaient travaillé ensemble sur Les Oubliées, Pigalle, la nuit est, après Braquo, la seconde série française diffusée en 2009 dans la case Création Originale de Canal +. Et autant le dire tout de suite, c’est une réussite.

Série chorale dont le véritable protagoniste est Pigalle, Pigalle, la nuit se concentre sur la quête d’un homme, Thomas (Jalil Lespert), à la recherche de sa soeur, Emma (Armelle Deutsch) : lors d’un séjour professionnel à Paris, Thomas se laisse entraîner un soir dans une boîte de strip-tease ; sur scène, sa soeur, qu’il n’a pas vue depuis deux ans, et qui disparaît peu après dans des circonstances troubles. C’est à travers le regard non initié de Thomas, lancé à la recherche d’Emma dans un milieu dont il ignore tout, que nous découvrons les secrets et les rivalités d’un quartier si souvent fantasmé. C’est lui, également, qui fait le lien entre les deux “clans” rivaux : d’un côté, Nadir Zainoun, propriétaire du Folie’s et du Sexodrome, implanté depuis des années dans le quartier ; de l’autre, Dimitri, jeune Russe à la tête d’un club ultra-branché, le Paradise, et qui compte bien assister à l’effondrement de l’empire Zainoun. Entre les deux, une galerie de personnages se partage l’affiche : Alice, une étrange commerçante fermement campée sur ses positions ; Fleur, une collègue et amie d’Emma, partagée entre ses activités professionnelles et sa vie amoureuse ; Max, un étrange bonhomme aux visions inquiétantes ; Sinh, une pharmacienne à la déontologie pour le moins élastique…

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A d’indéniables qualités d’écriture - les scénaristes ayant notamment tout à fait intégré les enjeux du format 52 minutes -, Pigalle, la nuit ajoute une excellente distribution, ainsi qu’une mise en scène et un parti pris esthétique audacieux ; Hervé Hadmar et Marc Herpoux ont passé plusieurs mois à Pigalle en amont du tournage, une démarche immersive qui transpire dans chaque plan : décors réels (y compris pour toutes les scènes tournées dans le Folie’s et le Sexodrome), caméras 35 mm à longue focale placées à 50 mètres des acteurs, au milieu du flot des passants et des voitures, tout concourt à accentuer cette approche quasi documentaire, cette plongée dans le Pigalle poisseux du fric et du sexe. Car la grande force de Pigalle, la nuit est d’être parvenue à délimiter, en seulement huit épisodes, les contours d’un univers rarement vu à la télévision française : s’il y a évidemment du Lynch dans le pitch - une jeune femme disparaissant dans des circonstances mystérieuses, au sein d’un microcosme à l’équilibre soudain bouleversé -, ainsi que dans ces interludes oniriques presque baroques, Emma n’est pas Laura Palmer et Pigalle, la nuit n’est pas Twin Peaks ; question d’envergure, certes, mais surtout question d’identité, les auteurs étant parvenus à se détacher des diverses influences qui n’ont probablement pas manqué de les traverser.

Pas exempte de défauts - on regrette notamment le manque de consistance de certains personnages, l’absence de traits descriptifs, de passé, de relations amicales et familiales rendant plus difficile notre attachement à eux -, Pigalle, la nuit mérite pourtant, après plus de quinze ans de Navarro et de Julie Lescaut, une véritable reconnaissance. Des encouragements, aussi, pour que la production française puisse continuer à explorer dans cette direction.

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