Diffusée depuis fin 2009 sur E4, une filiale de Channel 4 destinée au public adolescent, Misfits s’inspire du pitch de la série Misfits of Science – plus connue en France sous le nom de Superminds -, créée par James Parriott et diffusée sur le réseau NBC d’octobre 1985 à février 1986. Superminds racontait les aventures d’un groupe d’ados dotés de pouvoirs paranormaux : Johnny Bukowski (interprété par Mark Thomas Miller), chanteur de rock, était ainsi capable de se déplacer à une vitesse incroyable et de lancer des décharges électriques ; le personnage de Gloria Dinallo, délinquante et accessoirement télékinésiste, fut l’occasion de découvrir Courteney Cox ; Elvin Lincoln (Kevin Peter Hall), immense type de 2,14 m au garrot, pouvait à tout moment décider de ne mesurer que trente centimètres , tandis que Bill Hayes (Dean Paul Martin), son collègue au sein de la société Humanidyne et leader du groupe, ne possédait visiblement aucun don surnaturel.
La série anglaise, créée par Howard Overman, se détache pourtant très rapidement de Superminds, en ajoutant une bonne dose d’humour trash et d’ironie au tableau. S’il s’agit bien là encore de suivre les péripéties d’un groupe d’ados affublés de super-pouvoirs, le décor et le ton changent clairement : condamnés à des travaux d’intérêt général pour des délits plus ou moins importants, les cinq personnages sont frappés par la foudre et se découvrent peu à peu des dons surprenants. Simon, discret et silencieux, s’aperçoit ainsi qu’il a la faculté de devenir invisible ; Kelly, méfiante et fragile malgré les apparences, parvient brutalement à lire dans les pensées des autres ; Alisha, séductrice à outrance, provoque soudain un violent désir sexuel chez toutes les personnes qu’elle touche ; Curtis, sprinteur de haut niveau qui passe sa vie à courir après les secondes, hérite de la capacité à remonter le temps ; Nathan, enfin, indémontable grande gueule et leader charismatique du groupe, n’a visiblement récolté aucun pouvoir surnaturel, à l’image du Bill Hayes de Superminds.
Difficile de ne pas faire le rapprochement, malgré la dimension fantastique, entre Misfits et Skins, autre excellente série anglaise sur l’adolescence – également diffusée sur E4 –, Misfits lui devant finalement beaucoup plus qu’à l’univers de Heroes. Conscients que la télévision britannique ne leur offrirait jamais les budgets nécessaires à une vraie série de super héros à l’américaine, créateurs et producteurs ont en effet choisi dès le début l’angle du second degré et de la dérision. Au-delà du potentiel comique qui en découle, ce décalage permet également une vraie réflexion sur l’adolescence : the “misfits”, qu’on pourrait traduire par les “inadaptés”, héritent tous d’un pouvoir qui n’est en réalité qu’une amplification de leur trait de caractère principal ; ce cadeau, perçu par tous comme un fardeau, renforce leur sentiment d’isolement et d’exclusion. Ils se sentent différents, incompris, ne saisissant pas eux-mêmes ce qui leur arrive. Comment vont-ils s’approprier cette singularité et la transformer en atout ? Comment vont-ils parvenir à s’inscrire dans un mouvement d’ensemble, à s’intégrer dans un groupe et une société qu’ils perçoivent pour l’instant comme hostiles ?
Autant de questions qui ne renvoient pas tant à d’éventuels super-pouvoirs qu’à un cheminement propre à l’adolescence.
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