samedi 6 novembre 2010

Les séries HBO : True Blood (journée d'étude du 8 juin 2010)

Après une matinée consacrée aux séries désormais considérées comme « classiques » (Dream On, Oz, Six Feet Under, The Wire), l’après-midi de cette deuxième journée d’étude sur les séries HBO fut consacrée aux « nouveaux regards sur une Amérique en crises » ; au programme, des interventions sur True Blood (Paola Marrati), John From Cincinnati (Tristan Garcia), Generation Kill (Thibaut de Saint Maurice), Carnivàle (Jean du Verger), et enfin sur l’Histoire selon HBO (Marjolaine Boutet), à travers l’étude de Rome, John Adams, Band of Brothers et The Pacific.

True Blood : les vampires ne sont plus à Sunnydale, par Paola Marrati

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Diffusée depuis 2008 / 3 saisons / créée par Alan Ball

Depuis la création du « Tru Blood », une boisson à base de sang synthétique inventée au Japon, les vampires, qui ne sont désormais plus contraints de tuer des humains pour survivre, sont progressivement sortis de l’ombre et revendiquent une égalité de traitement et de droits. Au sein de BonTemps, petite ville de Louisiane, la coexistence est parfois houleuse ; c’est dans ce contexte que Sookie, serveuse télépathe, va tomber amoureuse du vampire Bill.

Si l’intrigue principale n’est pas extrêmement originale, souligne Paola Marrati, l’amour de Sookie pour Bill puis pour un vampire totalement amoral renvoyant directement à la relation entretenue entre Buffy, Angel et Spike, Alan Ball parvient toutefois à y introduire un élément très intéressant : Sookie est télépathe. C’est sa faculté à lire les pensées des autres qui rend impossible pour elle toute relation amoureuse, et c’est son incapacité à déchiffrer celles de Bill qui va déclencher son amour pour lui. Outre que cet élément narratif renvoie plus ou moins directement à Twilight (Edward ne peut lire les pensées de Bella), il s’inscrit également contre le mythe platonicien de la fusion amoureuse et suggère, à l’instar de nombreux philosophes, que la relation amoureuse n’est possible que s’il y a séparation.

L’autre originalité de True Blood par rapport aux autres histoires de vampires, comme l’explique Paola Marrati, se situe bien évidemment dans sa dimension politique et sociale. Les vampires, sortis de l’ombre, participent à la vie sociale et revendiquent le droit de vote ; leur discours politique correspond au langage politique courant aux Etats-Unis, calqué sur les combats pour les droits civiques des Noirs, puis aujourd’hui des gays et des lesbiennes, par exemple. On assiste dans True Blood à des reconstitutions de débats télévisés, confrontant le plus souvent les vampires à un groupe religieux d’extrême-droite, « l’Eglise du Soleil », opposé aux droits des vampires au nom de Dieu et de la race humaine.

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Les rapports entre les vampires et les humains sont symétriques : en effet, si les vampires se nourrissent de sang humain, ou en l’occurrence ici de sang synthétique, les humains sont eux aussi à la recherche du sang des vampires – réputé pour ses propriétés exceptionnelles -, et prêts à tuer pour en obtenir. La véritable question posée par la série d’Alan Ball apparaît ainsi en filigrane : quelles sont les limites de l’humanité ? Qui est humain, et qui ne l’est pas ?

True Blood, ancrée en Louisiane, met également en lumière les rapports complexes qu’entretiennent le Sud et le Nord des Etats-Unis, en posant la question de l’héritage : à qui appartient l’héritage du pays ? A qui appartiennent les Etats-Unis ?

La deuxième saison, généralement jugée comme moins réussie, introduit tout de même la problématique de la réponse à la violence religieuse et politique : comment interrompre la logique de la violence ?

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